Page:Proudhon - De la justice dans la Révolution et dans l’Église, tome 1.djvu/164

Cette page a été validée par deux contributeurs.

glaive de l’Église ; l’empereur, évêque du dehors, est le valet du pape, évêque du dedans ; il tient la bride de son cheval et fait pour lui office de bourreau. Dès les premiers jours on voit dans les confréries christicoles, d’abord synagogues, puis églises, l’évêque attirer à lui la décision des affaires, supplanter le juge civil, détourner les fidèles des tribunaux établis. On peut voir dans Fleury les troubles, les dissensions, les plaintes, causés par cette usurpation d’un pouvoir abusif et sans contrôle.

L’impulsion une fois donnée aux esprits, et les causes qui l’avaient produite continuant d’agir, rien ne pouvait arrêter cette étrange révolution.

Le christianisme, par son principe, par toute sa théologie, est la condamnation du moi humain, le mépris de la personne, le viol de la conscience. De là à la profanation de la vie privée, au régime des billets de confession et de tout ce qui s’ensuit, il n’y a qu’un pas. L’état naturel de l’homme est un état de péché : comment le chrétien respecterait-il la personne de son frère, le prêtre celle de son ouaille, alors que tout chrétien doit se mépriser lui-même, et que le premier titre du prêtre à la fonction qu’il exerce est sa propre mésestime, quia respexit humilitatem ancillæ suæ ? Pour relever cet être déchu et le rétablir en honneur, il ne faut pas moins que l’immolation d’une victime céleste, renouvelée chaque jour en un million de lieux à la fois. Tel est le dogme symbolisé dans la passion du Christ, et manifesté à chaque instant sur quelque point du globe par la messe.

Ainsi le christianisme, ayant à vaincre l’exagération du moi, devait s’exagérer à son tour. Sa mission n’est pas d’établir la Justice, mais de préparer le sol où elle doit germer, Justumque terra germinet. Non-seulement il l’exclut de l’humanité par sa théologie, il la rend impossible par l’anéantissement de la dignité personnelle, par