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munistes et religionnaires. N’est-ce pas la grandeur du christianisme d’avoir tellement absorbé en lui la substance de la religion, que ceux qui rêvent de le remplacer ne peuvent être que des copistes, et que hors de l’Église il n’y a pour l’adorateur ni logique, ni bonne foi ?

XXI

Nous savons ce que dit le dogme ; suivons-en les effets dans la pratique et dans l’histoire.

Le système des sociétés polythéistes, dans lequel la pensée religieuse, n’intervenant que comme auxiliaire de la Justice, était loin de produire toutes ses conséquences, pouvait se définir : Système de la prérogative personnelle, ou du droit.

Le système chrétien, où la religion, parvenue à sa plénitude, est faite principe de la Justice, et qu’il n’est permis à personne faisant profession de foi religieuse de renier, peut se définir à son tour : Système de la déchéance personnelle, ou du non-droit.

Ceci est autre chose qu’une vaine antithèse.

Le christianisme, importé d’Orient à une époque révolutionnaire, au moment où la Gaule, l’Espagne, l’Afrique, l’Asie, se soulevaient à la fois contre l’empire, où les armées prétoriennes se détruisaient pour le choix de leurs césars ; le christianisme, saturé d’idées juives, égyptiennes, persanes, hindoues, expression de la misère des peuples, du désespoir de la plèbe, de la dégradation des esclaves, devait nécessairement opérer cette interversion de l’idée juridique et de l’idée religieuse. Ce qui dans l’École pouvait n’être qu’une récrimination dialectique, passant, à la faveur de circonstances exceptionnelles, dans les faits, est devenu pendant dix-huit siècles la formule officielle de la morale ; il ne pouvait pas y en avoir d’autre.