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Quoi de plus horrible en effet qu’une doctrine dont le principe est qu’il n’y a pas, parmi les humains, d’âme foncièrement honnête ; que la Justice est étrangère à ce bas-monde ; que la vertu n’appartient pas à l’humanité, et autres propos de misanthropie dévote ? Qu’attendre, pour la réforme des mœurs, de cette déclaration d’indignité universelle ? Au lieu de nous tirer de l’abîme, n’est-elle pas faite plutôt pour nous y enfoncer davantage ?

Nous aussi, génération du dix-neuvième siècle, nous avons épuisé la fureur des révolutions, la sottise des masses, l’insolence des despotes, la rage des partis, l’égoïsme des exploiteurs, la manie gouvernementale et réglementaire. Nous assistons à la décomposition de nos mœurs. Et comme au temps des Césars, il ne manque pas de prédicants, néo-chrétiens, ex-chrétiens, matérialistes, spiritualistes, panthéistes et athées, pour nous avertir de nous refaire une religion et une idole, attendu que nous ne pouvons rien attendre de bon de nous-mêmes, méchants et sots que nous sommes. Avec quelle surprise nous avons vu des hommes qui se disaient révolutionnaires offrir, en guise de consolation, cette triste thèse à leurs amis abattus !

Il faut un nouveau culte, il faut de nouveaux fers,
Il faut un nouveau dieu pour l’aveugle univers.

C’est la démocratie qui tient aujourd’hui ce langage de Mahomet. Comme si le dogme de la chute, comme si l’idée religieuse n’était pas devenue, par toute l’Europe, le mot d’ordre de la contre-révolution elle-même ! Comme si ceux qui depuis 1848 ont le plus déclamé contre la canaille humaine n’étaient pas précisément ce que le siècle compte de plus vil et de plus dépravé !

Rassurez-vous, druide, mage, brachmane, ou qui que vous soyez : cette Révolution que vous avez défendue, apparemment sans la comprendre, elle est le sel qui, sans