Page:Proudhon - De la justice dans la Révolution et dans l’Église, tome 1.djvu/149

Cette page a été validée par deux contributeurs.

XVI

Dans son dernier ouvrage, Terre et Ciel, M. Jean Reynaud, après avoir réfuté le mythe d’Ève et de la pomme, trop grossier à ce qu’il paraît pour sa raison, continue en ces termes :

« Quelles qu’aient été au juste l’espèce et les circonstances de la première faute commise, je n’avouerai pas moins que cette faute constitue un fait capital dans les annales de la terre. Par elle une révolution s’opère : le régime de la planète se transforme ; le principe du mal, absolument étranger jusqu’alors à cette résidence, s’y introduit et y jette les fondements de son règne terrible. L’instant est solennel ; et pour Dieu, qui mesure les événements, non dans leurs apparences, mais dans leurs suites, il y a là un coup prodigieux, et qui ne vient pas de lui. Dieu condamne donc, car il voit dans ce seul terme la chute de tous les hommes et toute la série de leurs égarements à venir… » (Terre et Ciel, p. 205.)

Quelle différence, pour un esprit philosophique, entre la théologie de M. Jean Reynaud et celle du prêtre qu’il s’efforce d’endoctriner ? De bonne foi, le dogme chrétien tient-il à la pomme ou à la pêche, car on n’est pas d’accord sur le fruit, et non pas plutôt à la désobéissance, quel qu’en ait été l’objet ? Et valait-il la peine de censurer le récit biblique, pour conclure ensuite dogmatiquement comme l’Église ?

L’autre exemple est encore plus instructif.

Parmi les nouvelles sectes, aucune ne s’est élevée avec plus de force contre le dogme de la déchéance que celle des saints-simoniens. Dans l’ardeur de sa négation, elle est allée jusqu’à diviniser le principe dont l’ancienne théologie faisait la cause du péché, à savoir la chair. Sainteté égale de la chair et de l’esprit, de l’âme et du corps, tel est le point de départ du saint-simonisme.