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constituer son orthodoxie. Sa règle de foi, son critère, sera la contradiction au paganisme, ou pour mieux dire le renversement du système païen, et la séparation du christianisme d’avec toutes les théogonies antérieures. Aussi, lorsque plus tard, et conformément à cette règle, le dogme de la Trinité se précisa dans sa rigueur métaphysique, celle des trois personnes à qui fut dévolue la fonction épuratoire, l’Esprit, reçut-il par excellence la qualification de Saint : Credo in Spiritum sanctum et vivificantem.

XV

Mais ici surgissait une question pleine de périls.

Si le Dieu était déclaré pur, innocent des iniquités dont le déluge avait inondé la terre, la responsabilité du mal commis ne pouvant incomber aux anciens dieux, qui d’après la Bible et saint Paul étaient de purs néants, de vaines images des créatures, sur qui tomberait-elle ?

Dans l’état des idées et des choses le christianisme ne pouvait échapper à cette question, il était tenu de la résoudre. Le stoïcisme, le pythagorisme, qui ne l’avaient point résolue, n’avaient pu, à cause de cela, se faire accepter. L’explication de l’origine du mal, de la production du péché, était la condition sine qua non de la religion nouvelle.

Or, l’idée du Dieu trois fois saint admise en principe, l’explication en sortait toute seule.

Le coupable ne pouvait être que l’homme : solution d’autant plus satisfaisante, qu’elle présupposait la liberté. Comment l’homme, créature innocente de Dieu, était-il devenu coupable ? Comment, par un premier abus de son libre arbitre, s’était-il gangrené au point de devenir incapable par lui-même de toute justice ? C’est un mystère qu’on n’expliquait pas, mais qu’attestait suffisamment la corruption croissante, et, si j’ose ainsi dire, constitution-