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Passons sur les cyniques.

La raison pratique, alors comme aujourd’hui, demandait une chose ; la veine religieuse, non encore épuisée, en produisit une autre. Le christianisme se présenta. Qui était-il ? d’où sortait-il ? Je ne perdrai pas le temps à le chercher ; je me bornerai à dire ce qu’il devint rapidement, par la nécessité même de sa position.

XIV

L’histoire de l’établissement du christianisme peut se résumer en quelques pages.

Obéissant à la loi des oppositions fatales, qui veut que tout système épuisé soit remplacé par son contraire, le christianisme se pose en contradicteur de la religion déchue. Ne demandez pas s’il comprend son époque, s’il se comprend lui-même. Il nie le paganisme, c’est le paganisme qu’il accuse de la dissolution sociale : voilà son idée fixe, voilà son plan.

« Ils ont changé (les idolâtres), dit l’Apôtre, la gloire du Dieu incorruptible en simulacres d’hommes corruptibles, d’oiseaux, de quadrupèdes, de serpents ; ils ont servi la créature à la place du Créateur, que tous les siècles doivent bénir, amen. C’est pour cela que Dieu les a livrés aux passions de leurs cœurs, à l’impureté, à la fougue de leur sens réprouvé. C’est pour cela que nous les voyons pleins d’iniquité, de malice, de fornication, d’avarice, de perversité, d’envie, d’homicide, de chicane et de tromperie ; brouillons, calomniateurs, ennemis de Dieu, insolents, superbes, inventeurs de crimes, sans respect pour leurs parents, sans raison, sans retenue, sans charité, sans foi ni loi. » (Rom., i, 23-31.)

Le tableau n’a rien de philosophique, il respire la calomnie et la haine. Qu’attendre de réformateurs qui procèdent avec ce discernement, avec cette modération ?

Ainsi le christianisme, dans la conscience qu’il a de lui-même, n’est pas une conciliation comme la cherchèrent