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Le regard de Dieu ! la vertu stoïque ne peut s’en passer, elle a besoin de cette gloriole. Où es-tu, chaste Épicure, qui disais que, les dieux ne s’occupant pas des hommes, les hommes devaient faire le bien sans s’occuper des dieux ?…

La philosophie stoïcienne ne fut point acceptée. On ne lui reprocha pas de compromettre, par sa théorie de l’âme du monde, la liberté déjà abîmée sous le despotisme ; on ne dit point qu’elle poussait trop à la résignation, quand il fallait prêcher surtout la résistance. Au contraire, sa morale parut trop énergique, sa foi trop raisonneuse ; le sage qu’elle avait conçu était encore, même au sein de Dieu, trop indépendant, trop fort. Les âmes déprimées se sentaient si faibles ! Ce Dieu infini, absolu, solitaire, les effrayait ; elles le voulaient plus près, plus occupé d’elles, en communion plus fréquente.

Peut-être, si l’on eût fondu en une même doctrine le stoïcisme et le pythagorisme, eût-on obtenu davantage.

« Plus théologique que celle de Zénon, l’école de Pythagore rapprochait davantage l’homme de la Divinité ; il entretenait plus vivant le sentiment de la vénération religieuse, et par suite d’une logique moins sévère, il se prêtait de meilleure grâce aux pratiques extérieures du culte. Il abandonnait moins l’homme à lui-même ; par le jeûne, par la frugalité de la vie, par les observances religieuses, il l’aidait à soutenir sa vertu et à garder l’équilibre de son âme… » (Franz de Champagny, les Césars, t. II.)

Mais il serait plus aisé d’accoupler le serpent avec la colombe que d’opérer la fusion de deux sectes. Les stoïciens devaient accuser les sectateurs de Pythagore de ramener la superstition et les mensonges du sacerdoce, pendant que ceux-ci reprochaient à leurs rivaux d’incliner à l’impiété, à l’athéisme. Toute transaction était impossible.