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prières, hymnes de louanges, invocations, propitiations, purifications, pardons, expiations, vœux, processions, feu sacré, eau lustrale, consécrations, statues, temples, etc. Faites de la religion le lien ou l’alliance sociale, et tout cela devient inintelligible, absurde.

Pour achever la démonstration, disons enfin que, parallèlement aux formes et cérémonies du culte, le droit avait aussi ses formules, qui pour être moins pompeuses n’en tenaient pas une moindre place dans l’existence du père de famille et du citoyen : comme si, en réglant ce qui convient à la dignité des dieux, le législateur n’avait fait que préluder au règlement de la dignité de l’homme ; comme si religion n’était que la forme mystique de la Justice, ou la justice la réalité de la religion.

VII

Le respect est donc l’élément de la religion, il est toute la religion. À quelles conditions peut-il exister ? Suffit-il d’ériger une statue, un signe quelconque, et de dire, comme Aaron ou Jéroboam : Israël, voilà tes dieux, pour que le peuple se prosterne et adore ? Bien fou qui le croirait. Les prêtres des différents cultes ont l’habitude de s’accuser les uns les autres et de se reprocher leur idolâtrie : cette calomnie mutuelle prouve simplement qu’ils ne se connaissent pas.

L’homme n’accorde de religion à rien de ce qui tombe sous les sens. Une divinité visible, tangible, mesurable, est une contradiction.

Le Dieu, protecteur du droit, que toute multitude placée dans des conditions favorables tend à se créer, et dont le prêtre n’a plus ensuite qu’à fabriquer le symbole ou l’idole, ce Dieu n’est d’abord autre chose que l’Essence, supposée réelle quoique invisible, de ce qui apparaît à cette multitude, à l’instant où se fonde le culte, comme