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théorique et pratique, est un état dont il ne nous est pas donné de sortir et de voir la fin. Nous sommes nés perfectibles ; nous ne serons jamais parfaits : la perfection, comme le statu quo, serait notre mort.

Du reste, les annales des nations sont pleines des monuments de cette justification de l’humanité par elle-même. Point de précepte, même le plus élémentaire, qui n’ait été l’occasion d’un doute et le prétexte d’une lutte terrible ; mais le triomphe final de la Justice sur l’égoïsme est le phénomène le plus certain et le plus admirable de la psychologie, et, comme il démontre l’efficacité de la conscience, il prouve en même temps sa haute garantie.

Les premiers qui, sous le coup de cette illumination radieuse du sens moral, s’organisèrent en sociétés, furent si ravis, qu’ils prirent l’émotion de leurs cœurs pour une inspiration surnaturelle, témoignage d’une volonté divine, devant laquelle ils ne surent qu’humilier leurs fronts et frapper leurs poitrines. De là ces légendes merveilleuses, que le christianisme a prétendu élever à la hauteur de théories scientifiques, et qui forment la base de sa discipline.

La théorie de l’Immanence, en même temps qu’elle résout les contradictions apparentes de la morale, explique encore toutes les fictions du système prétendu révélé. Elle donne, pour ainsi dire, l’histoire naturelle de la théologie et des cultes, la raison des mystères, la biographie des dieux. Elle nous montre comment la Religion est née de la prépondérance qu’a reçue dans la société un des éléments essentiels de l’âme, élément qui, souverain en métaphysique, doit rester secondaire dans la pratique, l’Idéal. Elle n’est que d’hier, et déjà nous lui devons cette étincelle qui fait pâlir les lumières de l’ancienne foi ; calomniée à outrance, elle nous sauvera des corruptions in extremis d’une réaction au désespoir et d’une religiosité qui s’éteint.