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C’est en effet ce que l’histoire des législations démontre ; et ce n’a pas été une petite cause d’embarras, lorsqu’il a fallu accorder les exigences de ce progrès avec l’idée d’une Révélation simultanée, définitive et immuable.

Ce n’est pas tout. Comme l’appréhension de la loi est progressive, la justification est aussi progressive : chose que l’histoire atteste encore, mais de nouveau inconciliable avec la théorie d’une grâce prévenante, concomitante, et de toute espèce de secours, providence et prestation du ciel…

Or, le progrès étant donné d’abord comme condition de la connaissance, puis comme synonymie de la justification, l’histoire de l’humanité, de ses oscillations, de ses aberrations, de ses chutes, de ses redressements, tout s’explique, jusqu’à la négation de la virtualité humaine qui fait le fond de l’idée religieuse, jusqu’à ce désespoir de la Justice qui en est la suite, et qui sous prétexte de nous rallier à Dieu achève de ruiner notre moralité.

Ainsi, de la philosophie pratique, ou de la recherche des lois des actions humaines, se déduit la philosophie de l’histoire, ou recherche des lois de l’histoire, que l’on pourrait aussi bien nommer historiologie, et qui est à l’historiographie, description des faits de l’histoire, ce que l’anthropologie est à l’ethnographie, l’arithmologie à l’arithmographie, etc.

Une société où la connaissance du droit serait parfaite et le respect de la Justice inviolable serait dès lors comme un sujet soustrait à toute influence extérieure. Son mouvement, n’obéissant qu’à une constante, ne dépendant plus de variables, serait uniforme et rectiligne ; l’histoire se réduirait chez elle à celle du travail et des études, pour mieux dire il n’y aurait plus d’histoire.

Telle n’est pas la condition de la vie dans l’humanité, et telle elle ne saurait être. Le progrès dans la Justice,