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grossières, et morbifiques des aliments, le défaut d’équilibre dans les fonctions :

Or, on peut concevoir un état social et un milieu tel que ces causes de mort n’existent pas ;

Donc alors l’homme ne serait plus mortel.


Ce syllogisme, qu’on trouve dans tous les traités de théologie, et que Malebranche a développé dans sa Recherche de la vérité, n’est autre que la fable du Paradis terrestre, formulée en abstraction.

Au syllogisme sur l’immortalité de l’âme on a répondu, comme je l’ai rapporté (105), par un syllogisme tiré de la loi de progrès, et de la communauté organique qui rattache l’homme aux animaux, aux plantes, aux cailloux.

Au syllogisme sur l’origine du mal on a opposé celui-ci :


Si l’homme est auteur du mal, ou Dieu a prévu que sa créature abuserait de sa liberté, ou il n’est pas omniscient.
S’il l’a prévu, et qu’il ne l’ait pas empêché, il est impuissant ;
S’il a pu l’empêcher, et qu’il ne l’ait pas voulu, il est méchant.


En un mot, on a dit : Dieu est tout-puissant ; or le mal existe, donc Dieu est inexcusable.

Cet effroyable syllogisme, dont toute la force s’évanouit dès qu’on abandonne la conception anthropomorphique des attributs de Dieu, se dressant comme un fantôme sorti de l’enfer, a donné le cauchemar à toutes les cervelles de docteurs ; et de leurs longues et tribulantes insomnies sont nés les systèmes fameux sur la grâce, le libre arbitre, la prédestination, le double principe, le Paraclet, etc. : excréments de l’intelligence, qui ont infecté pendant des siècles la raison des peuples.

Enfin, contre les partisans de la réhabilitation des passions, on a opposé la foi et l’expérience universelle :


Tous les maux de l’humanité viennent des passions ;
Plus on leur lâche la bride, plus le crime abonde ; — moins on leur accorde au contraire, plus on s’élève dans la vertu :
Donc, il faut réprimer, dompter, anéantir les passions ; — donc, il faut des prisons, des bourreaux, des gendarmes, des diables, pour intimider les passions, etc.


110. Le résultat final de cette méthode d’argumentation devait être le suicide de la philosophie. Le scepticisme est l’inévitable conséquence de la logique d’Aristote.