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signe de respect que le soldat doit à ses chefs ; le chrétien, dans le temple, au prêtre ; le citoyen, devant la justice, au magistrat ; l’étudiant, dans les cours, au professeur ; l’homme à l’homme dans son domicile. L’affectation de rester la tête couverte sur le passage du roi est une protestation de républicanisme imbécile, un acte de révolte mal fondé en droit. Alors même que le chef consulaire, ouvrant la session du parlement, fait son rapport aux députés, il ne perd point, en présence de la représentation nationale, l’inviolabilité de sa charge : il se couvre, et dit aux délégués du peuple : Asseyez-vous. Mais le procurateur général n’en demeure pas moins personnellement soumis à la loi du suffrage ; il ne peut empêcher les électeurs de demander son remplacement et même sa destitution ; car l’inviolabilité dont il jouit s’attache à l’homme politique, non à l’individu.

569. Le roi, consul, président ou procurateur général de la république, est un homme grave et digne, à l’esprit vif et prompt, à la volonté forte, à la pensée hardie ; doué d’un caractère à la fois réfléchi et résolu, d’une imagination vaste et d’une âme intrépide. Il n’est point parleur ni faiseur de harangues : on ne lui connaît pas de goûts frivoles, d’amusements secrets, de prédilections pour rien. Il évite la familiarité, les assiduités, ne cherche nullement à se rendre populaire : la sévérité de ses habitudes ne laisse voir en lui ni passion, ni attachement, ni sensibilité ; la majesté de son regard fait fuir la flatterie. Tout œil et tout intelligence, on ne sait s’il aime ou s’il hait ; s’il est heureux ou s’il souffre. La beauté lui plaît, parce qu’elle est une expression de l’ordre ; les arts lui sourient, comme manifestations de la loi. Ne vivant que par l’esprit, il est déjà hors de l’humanité…

570. Seul entre les pouvoirs constitués, le pouvoir consulaire est monocéphale, c’est-à-dire, se résume en un chef unique : il est contraire à toutes les notions que la force d’impulsion, le principe du mouvement et de la vie, la pensée directrice et centralisante, parte d’un être multiple, collectif et sérié ; du moins telle est l’opinion invincible et spontanée du genre humain. C’est au corps des électeurs et à l’assemblée nationale à prendre leurs mesures, pour que le chef de l’État soit l’expression complète et sincère de leurs idées, de leurs vœux et de leurs tendances…

Les autres pouvoirs affectent des formes particulières. Le pouvoir exécutif ou administratif, qui embrasse à lui seul l’immense majorité de la nation, se divise tout d’abord en plusieurs grandes catégories (agricole, industrielle, commerciale, etc.), lesquelles donnent lieu à autant de ministères, puis vont en se subdivisant, comme le travail lui-même, à l’infini.