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d) Enfin la royauté n’est point coordonnée avec les fonctions de l’État : c’est la clef de voûte de l’édifice féodal, l’élément générateur d’une série hiérarchique (120, 509, 513, 554) ; là est son vice irrémédiable. En effet, malgré nos distinctions, purement verbales, de pouvoir législatif, pouvoir exécutif et ordre judiciaire, la royauté est la réunion de tous les pouvoirs : car le roi, c’est le ministère et toutes ses dépendances, c’est cette vaste machine qu’on appelle gouvernement, ce monde de fonctionnaires hiérarchisés, vivant des produits du peuple, le gouvernant comme il ne veut point être gouverné, et, quand ce peuple fatigué se mutine ou fait quelque sottise, l’emprisonnant, le jugeant, le condamnant et l’inquisitionnant. Grâce à cette fiction légale qu’on nomme le Roi (dont la personne réelle n’en peut mais), on a trouvé moyen de cumuler tous les pouvoirs, en ayant l’air de les séparer. Un juge d’instance et un sous-préfet, semble-t-il, n’ont rien de commun : mais, montez de deux ou trois degrés l’échelle féodale, et vous arrivez aux ministres de la justice et de l’intérieur, qui, d’après la politique en vogue, pour bien gouverner se doivent bien entendre, chose qu’ils manquent rarement de faire, pour notre plus grand bien, Dieu sait ! Au delà des ministres, il y a le roi, le roi qui, si la machine fonctionne mal, par le désaccord des ministres ou l’obstination de l’un d’eux, rétablit l’ordre, en changeant les acteurs. Mais la royauté tend par là même à devenir le centre de l’organisme politique, le pivot de la grande série sociale et l’expression de son unité : là est le gage de sa transformation et de son avenir.

361. Ainsi la royauté n’est qu’une forme symbolique et transitoire. Cette forme faisant place à une fonction réelle, le roi devient organe spécial, responsable et coordonné, issu, comme tout autre, par voie d’élection, du pouvoir constituant, et dont il est possible de déterminer les principaux traits. C’est ce que nous allons essayer, en opérant sur la charte, non plus par voie d’analyse, mais par voie d’interprétation et d’élimination.

Le roi de la charte est fonctionnaire universel. — C’est-à-dire qu’il doit exister dans l’État un organe surveillant tous les autres, leur communiquant le mouvement et la vie.

Le roi de la charte nomme à tous les emplois : c’était une conséquence de son droit antique de propriété ou suzeraineté absolue. — Le roi, le consul, ou tout ce qu’on voudra, de la société nouvelle, spécialisé dans ses attributions, et n’étant plus ni propriétaire ni suzerain, mais seulement chef du pouvoir consulaire, ne nomme à rien, ni dans l’administration, ni dans la justice, ni dans l’enseignement : ces trois pouvoirs étant égaux et parallèles à celui dont la royauté transformée fait partie. Dans la sphère