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emplois d’administration publique, fait les règlements et ordonnances nécessaires pour l’exécution des lois ; — propose les lois, les sanctionne et les promulgue. »

Si la charte avait dit : Le roi est le propriétaire unique, et le seul travailleur de l’État : il laboure les terres, récolte la moisson, les foins et les vendanges ; fabrique les draps, les soies, les fers, extrait les houilles, fait les transports, produit tous les objets de consommation, frappe les monnaies, instruit la jeunesse, rend la justice, remporte les victoires : la charte aurait parlé tout aussi juste.

Non, ce n’est pas le roi qui nourrit la patrie, qui a vaincu à Navarin et à Mazagran, qui juge dans les cours du royaume, qui élabore les lois et qui administre ; ce n’est pas lui qui connaît de la science des savants et de l’art des industries : depuis longtemps la prérogative royale ne fait illusion à personne, même par métaphore. Qu’est-ce donc que la charte a voulu dire ? car, après tout, la charte ne peut être absurde.

La charte, expression de préjugés anciens et d’idées nouvelles, a voulu, par son esprit républicain, faire du roi un fonctionnaire ; en cela elle a eu raison ; — mais, par son esprit féodal, elle n’en a fait en réalité qu’un symbole, un mythe. Or, c’est à dégager le vœu de la charte de sa lettre mythologique que cette analyse sera consacrée.

559. La charte, amas incohérent de formules empruntées à la monarchie et à la démocratie, ne présente au premier coup d’œil que cette alternative : ou bien c’est la nation qui, par une série de fonctionnaires spéciaux et responsables, fait toutes les choses attribuées au roi, comme à la personnification visible du souverain : dans ce cas le roi est une fable, une allégorie ; — ou bien, c’est le roi qui réellement, en propriétaire et bon père de famille, administre son bien, soit par lui-même, soit par ses hommes : dans ce cas le roi est Celui qui est, et rien dans la société n’existe que par lui. Or, on verra tout à l’heure qu’il est possible de trouver un moyen terme : car si la royauté, comme la propriété elle-même, est sujette à métamorphose, elle ne disparaît pas complètement comme la religion et la philosophie. Il reste donc que le roi soit l’organe central du gouvernement (474) ; et c’est en ce sens que la révolution de 1789 a tranché la question.

Examinons d’abord la royauté dans les conditions que la charte lui a faites.

560. a) Le roi est-il spécial ? Non, d’après la charte : l’article qui définit ce fonctionnaire, à force d’étendre ses attributions, l’a réduit à une généralité logique, à une pure abstraction. L’action