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535. Passons maintenant en revue les grandes applications de ces lois, et, laissant de côté les Orientaux et les Grecs, ne remontons pas plus haut que les Romains.

Après sept règnes, tous signalés par des victoires, des lois, des institutions et des monuments, le besoin de faire descendre l’autorité se fait sentir. — Une révolution chasse les Tarquins et remplace la royauté par le consulat, magistrature indivise au commencement, mais du moins temporaire, élective, par conséquent plus voisine, plus accessible.

L’exemple des patriciens apprend au peuple comment se conquièrent les droits politiques : — une nouvelle révolution amène le tribunat ; une troisième abolit les décemvirs. Dans la première on avait vu une matrone violée, un vieux roi proscrit, un autre assassiné, un consul bourreau de ses enfants. Dans les suivantes, le peuple coalisé refuse le travail ; une jeune fille est enlevée, puis poignardée ; le chef de l’État meurt en prison ; un banni, revenant avec les ennemis de la patrie, met la ville à deux doigts de sa perte.

Le pouvoir consulaire se divise toujours et la république n’en devient que plus vigoureuse : mais chacun de ces progrès est signalé par des troubles, des assassinats, des proscriptions. Que de sang versé à l’occasion des lois agraires ! C’était l’ordre agricole-industriel qui cherchait à se constituer à côté de l’ordre politique : mais les idées n’étaient point mûres : au lieu d’une science économique, on eut les Codes, le Digeste, les Pandectes ; au lieu d’un système universitaire, l’usure, plus atroce qu’auparavant, et l’esclavage ; au lieu de l’égalité, l’empire.

536. Cet immense travail d’organisation ayant avorté, il fallut tout recommencer à nouveau.

Le christianisme paraît, annonçant, dans des phrases mystiques, l’égalité, la solidarité universelle, la responsabilité des personnes. — Discordes, calomnies, persécutions et révolutions. Ce fut le bain d’Achille, ou plutôt le rajeunissement de Pélias.

La féodalité se constitue : c’était, selon M. Guizot, la liberté individuelle et la famille. — Guerres, massacres, exterminations et révolutions pendant dix siècles.

Les communes s’affranchissent : voici l’avènement du Seigneur, la glorieuse incarnation du Travail. — Résistance des nobles, résistance du clergé, machiavélisme des rois, trahisons, guerres civiles.

La monarchie absolue s’établit : c’est la centralisation et l’unité. Révolte de la noblesse, insoumission des parlements, murmures