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dans le symbole, dans le sens littéral, et qu’elle ne peut passer du concret à l’abstrait.

36. J’ai signalé l’incurie de la Religion à l’égard de la science et son ignorance d’elle-même : voyons comment elle entend la société. Je prends mes exemples chez les Juifs, d’abord parce que le sacerdoce figurait chez eux comme corps politique, et partie prépondérante de la nation ; puis, parce que notre clergé reconnaît Aaron et les lévites pour ses prédécesseurs.

Sennachérib, après une défaite, périt assassiné : c’est Jéhovah qui l’a frappé…… Toujours, selon les rédacteurs de la Bible, Jéhovah punit, toujours il tue. Il ne leur vient point à l’esprit de chercher la cause des catastrophes dont ils sont témoins dans le défaut d’unité et de centralisation, dans l’absence de constitution politique et de garanties, dans les jalousies de petits peuples que leur intérêt commun devait unir : de pareilles idées sont trop profanes pour le style des hommes de Dieu, trop timides pour la hauteur de leurs conceptions. À leurs yeux, le mal qui arrive est nécessairement une preuve que Dieu est irrité : donc, malheur au vaincu ! Damas tombe : anathème à Damas. Tyr est vaincue : anathème à Tyr. Babylone périt : anathème à Babylone. Moab est menacé : anathème à Moab. Samarie et Jérusalem succombent à leur tour ; oh ! le prêtre patriote va reculer devant son argument parricide ! non, non ; c’est Jéhovah qui a tué son peuple infidèle ; anathème à Samarie, à Jérusalem ; anathème !

37. Veut-on un échantillon des lumières prophétiques sur les causes de la corruption des mœurs, les besoins de la société, et la tendance des esprits ? J’ouvre Isaïe :

« Cieux ! écoutez ; Terre, prête l’oreille : l’Éternel a parlé. »

Bien : qu’a-t-il dit ?

« J’ai nourri des enfants, je les ai comblés de gloire : et ils me méprisent !

« Le bœuf connaît son maître, et l’âne son étable, Israël ne me connaît plus ; mon peuple est sans intelligence.

« Malheur à la nation pécheresse, au peuple d’iniquité, à la race adultère, aux enfants du crime… »

Le reste est sur ce ton. Étonnez-vous après cela que les prophètes n’aient recueilli que le dédain ; que leurs réclamations aient été méprisées de tout ce qui n’était pas dévot et se souciait peu des intérêts du culte. Nous croyons posséder les monuments les plus précieux de la littérature hébraïque, nous n’avons guère que des homélies de missionnaires. Les écritures publiques et les ouvrages profanes ont péri : les prêtres, par l’énergie de leur institut ayant survécu à la ruine universelle, nous ont conservé leurs rapsodies,