Page:Proudhon - De la création de l’ordre dans l’humanité.djvu/229

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


Ainsi le concept d’unité n’est autre que l’intuition même de la série, ou des termes de la série : car comme, du côté de l’objet, la série se forme du rapport des unités ; ainsi, du côté du sujet, l’unité devient visible par l’analyse du groupe qui la renferme. En sorte que les divers moments de la formation des concepts sont en sens inverse des conditions logiques de la phénoménalité des objets. L’âme distingue d’abord une série, c’est-à-dire un groupe circonscrit, une totalité déterminée ; puis, dans cette totalité, elle reconnaît des parties, et acquiert le concept de pluralité ; enfin, saisissant soit le rapport d’identité qui unit les parties, soit la partie elle-même, elle arrive au concept d’unité.

(Le concept de continuité ou contiguïté est une hypothèse de l’esprit, suggérée par la comparaison des séries plus ou moins larges, plus ou moins serrées. Il en est de même des concepts d’indifférence, d’infini, de même ; ce sont, à proprement parler, des négations de la série, dont la condition absolue est la détermination, la différenciation, la division, la variété.)

La série étant un groupe d’unités et ces unités pouvant être indéfiniment répétées, la comparaison de plusieurs séries, sous le point de vue de l’accumulation de leurs unités, donne le concept de quantité. C’est encore une variété de l’intuition sérielle, rendue possible, comme j’ai dit, par la faculté synthétique de l’entendement.

Du reste, quantité, totalité, pluralité, unité, sont des formules logiques (241), c’est-à-dire des termes de convention servant à désigner, non plus des séries, mais les lois générales de toute série, lois dont la connaissance est en nous, comme celle de la série, absolument empirique. L’observation du système solaire était nécessaire à Kepler pour la découverte des lois auxquelles il a donné son nom ; et la connaissance de ces lois n’est, comme celle des objets auxquels elles se rapportent, qu’une acquisition de l’expérience. De même, l’idée générale des formes et des éléments sériels n’est qu’une acquisition de l’esprit, comme l’aperception même des séries.

342. La formation des concepts de la deuxième classe de catégories s’explique avec une facilité égale. Qui dit série, ou totalité dégagée de l’infini indifférencié, dit nécessairement circonscription et limite. Or la limite a été définie, il y a longtemps, négation de tout développement ou réalité ultérieure. Mais la circonscription de la série peut être plus ou moins exacte, plus ou moins pure dans sa réalisation : c’est-à-dire que l’expression physique du rapport intelligible qui lie les unités peut être plus ou moins