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La synthèse n’est pas non plus un éclectisme : elle ne consiste pas à souder la moitié d’une idée à la moitié d’une autre idée : elle est la résolution complète et la combinaison intime de la thèse et de l’antithèse.

Ainsi, lorsque j’ai soutenu que la propriété et la communauté pures étaient deux principes simples et antithétiques, incapables, l’un et l’autre, de servir de base à l’organisation sociale et à une science du droit, et qu’il fallait chercher dans leur synthèse le principe supérieur de la société, les critiques étaient en droit de me dire : Exposez cette synthèse ; ils ne devaient pas m’accuser, comme ils l’ont fait, de pousser à l’invasion des propriétés, puisque d’après ma propre dialectique c’eût été rendre la synthèse impossible ; ils n’avaient pas non plus besoin de crier que hors de la propriété et de la communauté il n’y avait rien, puisqu’il était question de les unir synthétiquement.

284. La série composée ou systématique est susceptible de formes nombreuses : échelonnée ou graduée, comme dans les règnes animal et végétal : c’est la forme la plus ordinaire aux ouvrages de raisonnement, dans lesquels on procède par divisions et subdivisions du sujet ; — centralisée ou pivotante, comme dans le système planétaire ; — périodique, comme dans l’histoire des révolutions sociales, religieuses et philosophiques ; — équilibrée, comme dans les catégories de Kant ; — symétrique, comme dans les systèmes d’encyclopédie ternaire et quaternaire ; — harmonique, comme dans la poésie et les arts ; organisée, comme dans les animaux et les plantes, etc. Ces diverses formes peuvent aussi se marier ensemble, comme dans l’ode, où se trouvent à la fois le rhythme, la mesure et la période.

285. Ce qui donne la forme à la série simple est le rapport, tantôt d’égalité, tantôt de progression, de puissance, etc., qui réunit les membres de la série (229) ; ce qui donne la forme à la série composée, c’est, en outre, la pluralité et la disposition des points de vue. Cela s’observe dans la plus restreinte des séries composées. En effet, deux choses sont à considérer dans le nombre, l’unité et la pluralité : rassemblez par la pensée ces deux points de vue de toute grandeur mesurable, vous aurez l’idée complexe de totalité, laquelle n’est pas l’unité à l’exclusion de la pluralité, ni la pluralité à l’exclusion de l’unité, mais simultanément l’une et l’autre. Dans cette série le point de vue est double, et présente par là même une opposition ; ce qui n’aurait point lieu s’il était triple quadruple, ou d’un degré plus élevé. Voilà pourquoi, dans le système ternaire exposé plus haut, le point de vue étant triple (la matière, la vie, l’esprit), le troisième terme de chaque groupe