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vement, sur un même objet, plusieurs systèmes, plusieurs modes de classification et de série.

C’est ainsi que les professeurs de mathématiques enseignent à leurs élèves à calculer dans les systèmes binaire, ternaire, octaval, duodécimal, etc. ; puis à transcrire les expressions arithmétiques d’un système de numération dans l’autre. Si nous pouvions embrasser par la pensée tous les systèmes de numération possibles, nous ferions instantanément, sans la moindre peine, presque sans calcul, les opérations les plus compliquées. Car, comme dans notre système décimal la position de la virgule indique une multiplication ou une division par dix, cent, mille, de même elle indiquerait la multiplication ou la division par un nombre quelconque, pris alors pour base du système. Ce serait comme la traduction d’une même pensée en plusieurs langues.

Posons donc comme axiome, que toutes les séries arithmétiques sont objectivement vraies, et que la série décimale ne devient en nous subjective que par suite de l’exclusion que nous donnons aux autres.

184. Ce que nous venons de démontrer de l’arithmétique est vrai de toutes les sciences : subjectives quant au choix du point de vue, absolues quant à la certitude intrinsèque.

Lorsque Linnée classa les plantes d’après le nombre, l’insertion, la réunion ou la séparation des organes génitaux, il fit un système objectivement et absolument vrai, aussi naturel que tout autre, mais seulement en ce qui concerne les organes sexuels, et leurs rapports plus ou moins connus avec les autres parties de la plante.

D’autres après Linnée essayèrent de classer les plantes d’après les feuilles, la tige, le fruit, la durée de la vie végétale, etc., tantôt isolant, tantôt considérant simultanément leurs divers caractères. C’étaient autant de points de vue nouveaux, à l’aide desquels ces naturalistes cherchaient à saisir les gradations sérielles suivies par la nature. Et sous combien de faces le règne végétal ne pourrait-il pas être encore étudié ! les propriétés chimiques, médicales, nutritives, industrielles, etc., du fruit, de la fleur, de la tige, de l’écorce, de la sève, des feuilles, de la racine ; la culture, le climat, les rapports des espèces végétales avec les espèces animales, etc. M. de Humboldt, ne considérant que la physionomie extérieure des plantes, les a divisées en quinze groupes, lesquels n’ont rien de commun avec ceux établis par d’autres botanistes, selon des principes très-différents.

185. La même observation s’applique à la zoologie. D’après la classification de Cuvier, le singe et la chauve-souris, les plus laids