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mathématiques pures sont-elles possibles ? et que faut-il entendre par là ?

Kant ayant posé comme principe évident de soi, que les jugements mathématiques sont à priori, en conclut naturellement la possibilité d’une science mathématique pure, c’est-à-dire absolument vraie, indépendamment de l’expérience. Mais d’abord la loi sérielle, dont nous savons maintenant que les mathématiques sont une application particulière, n’est point une notion à priori : en effet, tant que le moi ne sort pas de lui-même par la sensation, il ne connaît que lui, c’est-à-dire l’un, l’identique, l’indifférent ; il n’a aucune notion de groupe ni de série, il n’a point d’idées. Donc, à tout le moins, l’expérience est la condition d’aperception des mathématiques.

Qu’est-ce donc que l’on doit entendre par mathématiques pures ? La chose est simple à concevoir : la série mathématique élémentaire étant donnée, on a par là même la loi de sa formation et de son développement, avec ses rapports et ses propriétés. Le calcul sériel n’est plus alors qu’un déroulement, une transformation de termes, une équation perpétuelle ; et les jugements qui en résultent sont tous, je continue à parler la langue de Kant, non plus seulement des jugements synthétiques, des séries ; mais des jugements analytiques, c’est-à-dire des sections sérielles, des séries impliquées les unes dans les autres, des séries de séries. La loi de progression sérielle étant donnée, l’esprit marche seul et n’a plus besoin de l’expérience.

180. D’après cet exposé, on conçoit qu’il puisse y avoir aussi une physique pure, une astronomie pure, une zoologie pure, une botanique pure, etc. Il suffirait pour cela que nous connussions les séries élémentaires et les lois qui déterminent les phénomènes physiques, les combinaisons des atomes, l’organisation des animaux et des plantes. Alors nous construirions les séries supérieures avec une certitude absolue ; et, sans attendre l’expérience, nous déterminerions à priori le réel et le possible, nous dirions quelles organisations peuvent exister, quelles ne le peuvent pas. Tout ce qui distingue les sciences naturelles des sciences mathématiques, c’est que les premières ne nous montrent que des séries résultant d’autres séries dont les lois et les éléments sont inconnus, tandis que les autres nous offrent à la fois, et des séries composées, et des séries élémentaires portant avec elles le principe de leur formation et la loi de leur progrès.

181. Une autre conséquence de l’Hypothèse de Kant est que la certitude mathématique est tout humaine, mais qu’on ne saurait démontrer qu’elle soit absolue. L’illustre mathématicien M. Am-