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comprend que, l’usage se soit établi parmi les aspirants à la députation de solliciter les suffrages des électeurs, Cette sollicitation n’avait rien d’obligatoire ; mais elle était à peu près générale. La masse de la nation étant représentée par une sorte de jury formé de 250 à 300,000 électeurs, et le député devant être considéré non comme leur délégué particulier, mais comme celui de la nation tout entière, on pouvait admettre que le candidat, en même temps qu’il se portait au nom du Pays, fît valoir auprès des électeurs-jurés les titres qu’il croyait avoir à leur préférence. C’était, au fond, une réserve en faveur de la souveraineté des masses, un hommage tacitement rendu au suffrage universel. Une telle brigue était rationnelle, partant honorable.

Alors aussi le reproche de corruption pouvait en certains cas être élevé contre une élection, et frapper à la fois l’élu et les électeurs. On supposait alors que le corps électoral, corps privilégié, avait manqué à ses devoirs politiques, en n’écoutant, que son égoïsme de caste, sans tenir compte, des intérêts supérieurs de la Constitution et du Peuple. C’est ainsi que, l’année qui précéda la Révolution de Février, l’élection de M. Charles Laffite fut quatre fois annulée par la Chambre.

Avec le suffrage universel et direct, le principe est autre et les choses ne peuvent plus se passer de la même manière. D’un côté, ce n’est plus un corps privilégié qui nomme, au nom de dix millions de citoyens âgés de vingt-un ans révolus et domiciliés, les représentants du Pays ; c’est le Peuple souverain, ce sont ces dix millions d’électeurs, supérieurs dans leur collectivité à la Constitu-