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fession, toute abrogation du régime institué par elles deviendra impossible : ce serait une contradiction. La mutualité, ou la société mutuelliste est la justice ; et l’on ne rétrograde pas plus en matière de justice qu’en matière de religion. Est-ce que le monde, devenu monothéiste par la prédication de l’Évangile, a jamais songé à retourner au culte des dieux ? Est-ce que, quand les Russes abolissent chez eux la servitude, la France pourrait revenir aux constitutions féodales ? Il en sera ainsi de la nouvelle réforme. Le contrat de mutualité est irrévocable de sa nature, aussi bien dans la plus petite association que dans la plus grande. Des causes purement matérielles et externes peuvent faire résilier des sociétés de cette espèce, quant à ce qu’elles ont de spécial ; en elles-mêmes, et dans leur disposition fondamentale, elles tendent à créer un nouvel ordre de choses et ne sont plus résiliables. Des hommes, après avoir fait entre eux un pacte de probité, de loyauté, de garantie, d’honneur, ne peuvent pas se dire en se séparant : Nous nous étions trompés ; maintenant nous allons redevenir menteurs et fripons ; nous y gagnerons davantage !…

Enfin, dernier caractère, l’apport d’un capital n’est plus indispensable dans la société mutuelliste ; il suffit, pour être associé, de garder dans les transactions la foi mutuelle.

En résumé, d’après la législation existante, la société est un contrat formé entre un nombre déterminé de personnes, désignées par leurs noms, professions et qualités (Code civil, art. 1852), en vue d’un bénéfice particulier à partager entre les associés (ibid.). Chaque associé doit y apporter de l’argent, ou d’autres biens, ou son industrie (article 1835). Elle est faite pour un temps déterminé (art. 1865).