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Le Gouvernement et les Chambres de Louis-Philippe jugèrent qu’il valait mieux les faire passer dans la poche de leurs amis, financiers, entrepreneurs et actionnaires. Le peuple était accoutumé à tout payer, même ce que l’on faisait pour lui avec son propre argent ; que serait-il arrivé si tout à coup on lui eût appris que les chemins étant construits de ses deniers, il ne devait pour le transport que la dépense courante, et zéro d’intérêt ? On n’était pas fâché d’ailleurs de donner ce développement à la classe aisée et la moins laborieuse ; d’augmenter le nombre des partisans du pouvoir ; de créer des intérêts dévoués à l’autorité, battue chaque jour par la marée montante des intérêts populaires. Le Gouvernement actuel est si loin, lui aussi, sous tous ces rapports, d’avoir compris sa vraie loi, qu’à la suite des guerres de Crimée et de Lombardie il a ajouté un décime de guerre aux tarifs des chemins de fer, se faisant ainsi, par la plus inintelligente fiscalité, co-parasite d’une industrie dont la nature est d’être d’autant plus productive pour tout le monde, qu’elle ne doit payer de rente et produire de bénéfice pour personne.

Millions et milliards, voilà ce que coûte chaque année à la Nation la violation du droit économique, le mépris de la loi de mutualité. S’imagine-t-on, par hasard, que ce soit avec les capitaux des Compagnies que les chemins de fer ont été construits ? Non ; les Compagnies n’ont fourni qu’une fraction, la plus petite, du capital dépensé, comme pour avoir un prétexte de s’arroger la totalité du revenu. D’après la loi de 1842, les indemnités dues pour les terrains et bâtiments expropriés, de même que les terrassements, ouvrages d’art et stations, sont à la charge de l’État. Que reste-il à faire aux Compagnies ? La pose des rails et le matériel.