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Au temps de Moïse, la plèbe hébraïque ne pouvait être saisie que par une idée affective, l’autorité paternelle ou le patriarcat, se rattachant à l’autorité du Dieu Très-Haut, père céleste d’Israël. C’est pour cela que la loi moïsiaque, bien que voulant la Justice, la subordonne dans l’application à l’autorité paternelle, royale et pontificale, au culte de Jéhovah.

Au temps de Jésus, le sacerdoce, la royauté et l’aristocratie avaient abusé ; toutefois le peuple ne s’était pas élevé à la spiritualité de la justice : l’apôtre lui-même nous le déclare. À l’autorité paternelle et sacerdotale, devenue prévaricatrice et païenne, Jésus substitue donc la charité fraternelle ; il fonde la confrérie évangélique, l’Église.

Mais Jésus lui-même a annoncé qu’après lui viendrait un troisième personnage, le Paraclet, en latin advocatus, l’avocat, ou comme qui dirait l’homme du droit, le Justicier. Ce Paraclet, dont les apôtres attendaient la venue, que l’on a attendu de siècle en siècle, et sur lequel on a débité tant de rêveries, pourquoi ne dirais-je pas que nous en avons aujourd’hui la manifestation dans le mouvement régénérateur de la plèbe moderne ? La même raison qui fit comprendre au prophète de Nazareth, il y a plus de dix-huit siècle, que la charité prêchée par lui n’était pas le dernier mot de l’Évangile, est celle qui illumine notre Démocratie, quand, s’exprimant par la bouche des Soixante, elle nous dit : « Nous repoussons l’aumône ; nous voulons la justice. »

Je regrette de tenir aussi longtemps le lecteur sur ces questions un peu ardues. Mais, je le répète, il s’agit d’une révolution qui court dans les veines du peuple, la plus profonde et la plus décisive qui se soit jamais vue, à pro-