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YVETTE PROST

Pour me fixer sous un toit, il faut un fléchissement passager de mes forces. Je me suis plu dans ces jardins ; mais je sais que, dans quelques jours, ma curiosité insatiable m’emportera bien loin d’ici. Les grands spectacles du monde et l’âme humaine n’ont pas épuisé pour moi leur magie. Longtemps encore, je veux promener par tous les chemins mes yeux et mon cerveau, me sentir divinement libre et disponible, loin des foyers fermés, affranchie de toute attache, ignorante des soucis matériels et des affections humaines, toujours rapetissantes !

Elle parlait avec une ardeur fébrile. L’aviateur pensait : « Elle est diablement romantique et grandiloquente ! »

Et Nérée : « Si elle va un peu plus loin, elle déraillera ».

Ce fut Blanche qui répondit d’un ton mesuré :

— Votre conception de la vie est sans doute séduisante, mais ne peut convenir qu’à une élite restreinte. Il faut, pour la beauté du monde, des Diane Horsel, flammes errantes qui jettent une lumière sur leur passage ; il faut aussi de modestes veilleuses — comme les Galliane — sur les points de la vieille terre où s’enracinent les familles et les races.

D’un mouvement impulsif, le capitaine Aulnoy prit doucement la main féminine posée près de lui et la garda un instant dans la sienne en souriant à Nérée.

Mme Horsel, qui avait vu le geste, en conçut un certain mépris pour les facultés intellectuelles de l’aviateur. Elle se plongea le nez dans sa tasse de café, résolue à ne plus rien dire. Et, tandis que Mme Galliane ramenait la conversation sur un terrain de tout repos, Diane, qui n’écoutait plus, évoquait un