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LE COUPLE AU JARDIN

— Eh bien ! dit Mme Galliane, suivez l’exemple de mon fils. Descendez volontairement du ciel avant d’en tomber en cent morceaux ! Un homme de trente ans est fait pour le foyer et non plus pour des aventures à tenter la patience du Bon Dieu !

— Ce que vous me dites, madame, je le pense à peu près tous les jours en m’installant dans ma carlingue…

Ces mots du capitaine provoquèrent chez Mme Horsel une de ces explosions imprévues qui amusaient Nérée.

— Quoi ! s’écria-t-elle, l’œil étincelant, vous renonceriez à vos ivresses de demi-dieu pour venir vous claquemurer dans un petit bonheur à l’odeur moisie ?

Mme Galliane leva vers le ciel deux frêles mains scandalisées :

— Voilà-t-il pas que le bonheur des honnêtes gens sent le moisi ! Petite madame, je vous trouve terrible ! Mais, vous-même, est-ce que je ne vous entends pas dire tous les jours que la paix heureuse de nos jardins vous enchaîne ici ?

— Pour quelques jours, peut-être… Parce que j’étais physiquement exténuée, mon humeur errante a pu être un instant combattue par un autre instinct… Avez-vous remarqué que les deux instincts contradictoires de l’oiseau sont ceux qui se partagent aussi le cœur de l’homme ? Instinct de l’envol, instinct du nid. Mais, plus son vol est puissant, moins l’oiseau s’attache à son nid.

— Permettez, madame, interrompit Aulnoy, que direz-vous de l’hirondelle ?

— Eh bien ! je ne suis pas de l’espèce hirondelle.