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YVETTE PROST

Mme Horsel prétendait qu’un charme enivrant et pernicieux s’exhalait de ces jardins millénaires et qu’elle en subissait l’envoûtement.

D’une voix dolente, avec un beau regard languide, elle confiait à Nérée :

— Je suis ensorcelée, je n’y peux rien ! Alors que mes intérêts les plus urgents me rappellent à Paris, je m’éternise et je m’enlise dans les délices de votre Pomponiana. Chaque jour, je me sens plus étroitement enlacée par un réseau fait de lumière, de couleurs, de parfums, de musiques aériennes, de poésie, de tristesse… C’est un sortilège dont je souhaiterais parfois de mourir !

— Ne nous faites pas cette farce funèbre, madame, répondait Galliane en souriant.

Mais elle se faisait plus dolente encore, renversant avec grâce sa jolie tête au dossier du fauteuil ; — elle savait ce mouvement avantageux : il affinait le bas du visage qui avait tendance à s’alourdir.

— Monsieur, se plaignait-elle, vous n’auriez jamais dû me dire que la villa qui m’abrite est bâtie sur l’emplacement d’un temple d’Astarté : je crains les maléfices de la redoutable déesse. J’y songe avec effroi pendant les nuits trop douces.

Nérée, bien résolu à ne jamais comprendre, répondait par quelque plaisanterie anodine. Blanche écoutait ces propos avec un agacement croissant dont elle ne laissait rien voir.

Les préoccupations de Diane Horsel n’étaient pas toutes aussi poétiques. La prose amère des ennuis d’argent y tenait une large place. Les périodiques dont la jeune femme tirait le plus clair de ses ressources avaient cessé de paraître. Quelques articles acceptés