— Eh bien ! il faut admirer sans comprendre et nous obstiner à prolonger notre vie par nos actes.
— À quoi bon, puisque tout doit mourir ?
— Rien ne meurt, madame ; n’oubliez pas que c’est la grande loi de la nature : Vita mutatur, non tollitur.
— Voilà que vous me citez la préface de la Messe des morts !
— La Messe des morts peut être consolante.
— Pas pour moi ! Moi, rien ne me console du temps qui passe vainement.
Sa voix avait fléchi ; des larmes nerveuses montaient irrésistiblement à ses yeux. Nérée dit avec bonté :
— Les promenades nocturnes ne vous valent rien ; mieux vaut rentrer.
Sans l’entendre, elle poursuivit d’un ton plaintif :
— Ce doux site de l’Almanarre, que vous me disiez apaisant, je crains qu’il ne m’ait blessée pour longtemps.
— Si cela était vrai, il faudrait le quitter sans plus attendre. En venant ici, sans doute aviez-vous moins besoin de repos que d’une diversion énergique. Retournez à Paris, jetez-vous à nouveau dans la bataille que vous aimez ; travaillez, recherchez le succès… Ce sera mieux pour vous.
— Peut-être !… Dans la mêlée, où il faut rester attentif à rendre les coups qu’on reçoit, on sent moins la mélancolie des destins qui se croisent une fois et ne se rencontreront jamais plus.
À cet aveu à peine voilé, Nérée Galliane ne pouvait opposer que le silence. Machinalement, tous deux s’étaient arrêtés devant les vagues qui venaient leur lécher les pieds.