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LE COUPLE AU JARDIN

— Oh ! regardez la mer sous la lune ! Que c’est beau ! Les mots ne peuvent l’exprimer. N’est-ce pas que la mer est une immense présence vivante ? Comme je comprends qu’on puisse l’aimer d’un amour désespéré, inconsolable ! Et cette voix plaintive qu’elle prend la nuit… écoutez-la.

— Je connais bien tous ses appels et toutes ses plaintes, depuis trente ans bientôt que je viens l’écouter.

Le ton s’était adouci. Diane sentit son cœur battre plus vite.

— Nous prenons un grand bain d’azur, reprit-elle. Ce moment est adorable !

En effet, dans la clarté lunaire, la mer, le ciel, l’étendue miroitante des salines, tout était d’un bleu de rêve, moire argentée et gaze impondérable. La majesté, la poésie de ce tableau pénétraient les deux promeneurs isolés sur cette plage solitaire ; et la jeune femme ne pouvait se défendre d’un trouble envahissant. Elle éprouvait un besoin de larmes, comme elle en avait connu dans son enfance sans joie, à la tombée des trop beaux soirs.

— Expliquez-moi, dit-elle, pourquoi la beauté des choses creuse en nous de tels gouffres de mélancolie.

— Sans doute à cause du contraste entre la grandeur des spectacles naturels et notre petitesse, notre fragilité ; entre l’impression d’éternité que nous donne l’univers et la brièveté de nos vies infimes.

— Oh ! c’est surtout cela ! Sentir que nous sommes des passants éphémères qui ne faisons que traverser ce décor immuable ! Qu’il faudra nous en aller si vite, si vite, avant d’avoir rien vu, rien su, rien compris !