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YVETTE PROST

tretenaient avec la fille et le gendre du docteur Ellinor. Le docteur Jollier expliqua :

— L’analyse du sang a révélé une diminution extrême du nombre des globules. Nous redoutons l’anémie cryptogénétique. Ce sera long. Nous avons le ferme espoir de sauver le malade, mais il faut nous armer de patience.

— Mais, demanda Nérée, comment expliquez-vous un tel état ? Surmenage ?

— Les causes du mal demeurent obscures. Il y a du surmenage ; mais, quant à moi, je crois surtout à l’influence déprimante de longs chagrins… La médecine n’a pas encore pu déterminer l’action prépondérante de l’état moral sur l’évolution, et peut-être même sur la genèse des maladies dont nous ne cherchons que les causes positives. Vous savez, madame, que ce retentissement du moral sur l’état pathologique est une des idées chères à mon ami Ellinor… Sans doute en sait-il plus long que nous sur les causes profondes de son mal. Malgré sa courageuse attitude, nous n’ignorons pas que ses deuils de famille l’ont laissé inconsolable. Peut-être aussi s’est-il négligé un peu depuis qu’il vit seul : repas avalés en hâte, veilles prolongées… que sais-je ?

Blanche, qui était devenue blême, approuva d’un signe de tête.

Nérée était désemparé en rentrant seul chez lui. Il savait la vie du docteur Ellinor très menacée et se disait avec horreur : « S’il meurt, c’est le chagrin qui l’aura tué ! Deuil de sa femme, deuil de son fils, sans doute… mais fut-il moins cruellement atteint par sa rupture avec Blanche ? Faudra-t-il payer notre bonheur d’un tel remords ? »