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LE COUPLE AU JARDIN

— Madame, je veux vous mettre en garde contre la fureur archéologique de mon fils. Trébuche-t-il contre une brique venue en droite ligne d’une tuilerie de Toulon, il croit découvrir un fragment de chapiteau romain ; et si notre domestique cache dans quelque coin une soupière cassée, il exhume ces tessons pompéiens avec des transports d’expert de Glozel !

Diane leva les yeux sur le jeune homme et fut frappée de l’expression de son sourire. C’était la première fois qu’elle voyait un fils regarder ainsi sa mère.

Lorsque la visiteuse se retira, reconduite par le jeune ménage, elle s’arrêta devant le grand poivrier :

— Quel arbre magnifique ! admira-t-elle. Ce beau feuillage souple, cet énorme tronc d’un grain si compact…

— C’est le plus beau de nos arbres, dit Nérée.

— S’il s’étend encore, il viendra toucher votre mur et vous gênera.

— C’est lui qui sera gêné. Eh bien ! on abattra la maison !

Blanche expliqua :

— Chez nous, les arbres sont quelque chose comme des divinités sacrées.

— Vous en avez, en effet, de fort beaux, surtout les eucalyptus et les cyprès ; mais je m’étonne de ne voir, parmi vos cultures, aucun arbre fruitier.

— Les arbres fruitiers sont ailleurs. Autour de notre maison, nous préférons ceux-ci. Les beaux arbres inutiles sont les titres de noblesse d’une terre.

Ils allèrent voir les deux grands sarcophages romains couchés côte à côte à l’ombre des arbousiers et des lentisques. Nérée indiqua, sous les champs de