Page:Prost - Le couple au jardin, 1947.pdf/39

Cette page a été validée par deux contributeurs.
42
YVETTE PROST

donyme. Elle avouait volontiers, avec une aimable mélancolie, avoir passé trente ans. En réalité, depuis quelques saisons, elle avait entendu avec effroi sonner la quarantaine.

Un peu plus de quarante ans… âge inquiet, âge de tous les regrets et de toutes les peurs pour une coquette sans foyer, sans enfants ! Peur de la première ride, du premier cheveu blanc, de la paupière fripée, de l’empâtement menaçant ; peur de l’indifférence dans le regard des hommes ; peur de se confronter à l’insolente jeunesse authentique. Toutefois, Mme Horsel se croyait d’aspect beaucoup plus jeune que son âge réel — grâce d’état dispensée par la miséricordieuse nature à toutes les femmes, sans exceptions, jusqu’à la plus intelligente, jusqu’à la plus modeste.

D’ailleurs, celle-ci était encore jolie ; elle savait tirer parti de ses avantages, se maquillait habilement, s’habillait bien.

Au cours de la première visite qu’elle fit aux Galliane, elle se montra enchantée de sa demeure temporaire, enchantée de la vue admirable dont elle jouissait, enchantée des jardins, enchantée de tout. Elle savait écouter avec une flatteuse attention et parlait peu d’elle-même. À peine quelques mots de son séjour en Espagne, de son besoin d’oublier tant de ruines et d’horreur. Elle y avait couru de réels dangers, fait preuve de courage ; on le devinait, elle n’insistait pas, elle n’insistait sur rien… — elle était très intelligente.

Tout en gardant l’attitude la plus discrète, elle observait avec une curiosité aiguë les trois personnes qui la recevaient et le décor de leur vie. La jeune Mme Galliane avait plus de joliesse que de beauté classi-