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LE COUPLE AU JARDIN

noux de l’homme et regarda profondément la figure penchée sur lui.

— Ah ! c’est toi ? Tu es donc revenu de tes voyages ? Alors, dis, tu ne t’en iras plus ?

Cette tranquille prise de possession, ce tutoiement soudain bouleversèrent Ellinor au point de le laisser sans voix. Le petit poursuivait son examen :

— Tu sais pas ? Mon papa disait que je te ressemblais. Moi, je ne trouve pas… D’abord, t’as une barbe !

— Il te parlait quelquefois de moi, ton père ?

— Oh ! souvent.

— Que te disait-il encore ?

— Que tu étais un monsieur pas commode, mais chic.

Il mit sur ce dernier mot un long point d’orgue. Puis il conclut :

— Je suis bien content de t’avoir trouvé !

Les mains fébriles du docteur cherchaient encore à reconnaître la forme de ce petit homme issu de lui. Il sentait son propre cœur dilaté à se rompre. Aurait-il jamais cru que l’appel du sang soit aussi impérieux ?…

Le silence s’est fait sur la maison heureuse. Les deux servantes bavardes sont couchées ; la vieille maman rêve ou prie. La Néréide, paupières closes, rit aux anges dans son petit navire en bois d’olivier qui cingle vers le long avenir. Pomme et son cousin Marc dorment côte à côte dans leurs lits jumeaux, enveloppés de la même tendresse vigilante. La voiture du docteur Ellinor file sur la route de Toulon vers le devoir quotidien ; mais la demeure solitaire est éclairée maintenant de tous les flambeaux de l’espérance…

Blanche est venue rejoindre son mari sur la terrasse :