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LE COUPLE AU JARDIN

père, en effet, était resté debout sur le seuil et il parut ébaucher comme un geste de rappel.

Le jeune homme revint sur ses pas :

— Pardon… il m’a semblé que vous vouliez me dire quelque chose.

Jamais Marc Ellinor n’avait été aussi intimidant. Avec sa tête énergique et pâle qu’il portait haut, il était bien à cette minute « la statue de lui-même », selon l’expression de sa fille.

— Non, répondit-il, je n’ai plus rien à vous dire, mais embrassez-moi.

Sous l’œil exorbité de Victorine, qui traversait la cour, les deux hommes se donnèrent l’accolade.

Lorsque Nérée rentra dans la pauvre chambre d’hôtel, Blanche leva sur lui un regard qui exprimait à la fois l’angoisse, l’admiration et une ineffable tendresse. Le mari savait bien lire dans ces yeux-là ; mais il jugea qu’il n’était pas l’heure des attendrissements. Il dit d’un ton posé :

— Je n’ai pas obtenu ce que j’espérais ; mais j’ai eu raison, pourtant, d’éclaircir la situation. Sachons attendre… Nous n’avons plus rien à faire dans cette chambre morne ; rentrons tous les quatre à la maison. Je vous amènerai en gare de Toulon pour le train de minuit.

Le visage altéré de la jeune femme pâlit un peu plus :

— À la maison, Nérée ?… As-tu songé à ta mère ?

S’il y avait songé ! La pensée de sa mère avait été son grand scrupule, son seul motif d’hésitation. Mais il s’était dit qu’on ne doit pas faire le bien timide-