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YVETTE PROST

moment à les contempler, si absorbé qu’il tressaillit à la voix d’un passant. C’était un homme des cabanes, qui revenait de vendre du poisson :

— Adieu, monsieur Galliane. Vous aimez donc bien les oiseaux ?

— Bonjour, Casténou… Oui, j’aime les oiseaux. Voyez comme ils sont gracieux.

— Bien sûr. Mais les oiseaux, comme les autres bêtes, c’est malfaisant.

— Casténou, ils ont des ailes !

— Eh ! Moussu Nérée, vous en avez eu aussi, des ailes, il n’y a pas bien longtemps.

— J’en ai peut-être encore… — Adieu, Casténou.


En arrivant à Toulon, Nérée alla d’abord sonner chez son beau-père où Victorine lui fit la réponse qu’il prévoyait : Mme Blanche était venue embrasser son père avant l’heure de la consultation et elle était repartie depuis longtemps.

Ne voulant pas s’encombrer de sa voiture, il la laissa dans un garage et s’en fut à pied, suivant la ligne du tramway. Bien que le quartier lui fût peu familier, il découvrit sans difficulté le petit hôtel. Mais, parvenu là, qu’allait-il faire ? Il ne pouvait entrer et demander sa femme. Et il ignorait le nom de l’homme. S’il restait en croisière en face de la maison, il attirerait tous les regards… Le mieux serait de s’asseoir à la terrasse devant un verre de bière, sans quitter des yeux la porte de sortie.

Gorgé d’amertume, il se disait : « Qui aurait pu prévoir que je me verrais un jour contraint à ce guet, humiliant pour moi, offensant pour elle ? » — Mais il