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LE COUPLE AU JARDIN

Affaissé, les coudes aux genoux et le menton sur les poings, il avait perdu toute notion de l’heure. Il n’était plus question d’aller voir son ami, de s’occuper de ses affaires ; rien ne méritait plus un geste. Il ne pouvait que rester là, penché sur son désastre.

Le soleil avait triomphé des vapeurs du matin ; au loin, il resplendissait sur la mer joyeuse. Nérée, incommodé par la chaleur montante, finit par éprouver le besoin de changer de place. Il regarda sa montre, vit qu’il était midi et demie. À la maison, sans doute, l’attendait-on encore pour le déjeuner. Rentrer, se mettre à table entre sa mère et Blanche ? C’eût été trop exiger de ses forces. Il s’enfonça plus avant sous l’ombre des pins, se replongea en ses pensées.

Il était plus de deux heures quand il se remit debout. Bien qu’il restât pâle, il avait les traits détendus, le regard calme. Il savait maintenant ce qu’il avait à faire : rentrer chez lui pour y prendre sa voiture, aller à Toulon chercher sa femme… la délivrer, la guérir, la rendre à elle-même ; lui apprendre quel sûr refuge peut être un cœur d’homme et quel est le sens le plus haut du mariage.

Immobilisé un instant au milieu du sentier, il se posa une dernière question :

« Même si j’allais, ce soir, me trouver en présence de… l’impossible ? — Oui, même dans ce cas. »

Et, d’un pas ferme, il reprit le chemin de Pomponiana.

Lorsqu’il arriva au plus épais des marécages, son regard fut attiré par un immense frémissement d’ailes. Au-dessus des roseaux, les mouettes tournoyaient par centaines, se mêlant au vol chatoyant des bleus martins-pêcheurs. Comme le matin, Nérée s’oublia un