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LE COUPLE AU JARDIN

— Tu m’aimes donc toujours ? demanda-t-il à voix basse.

Elle se pressa plus étroitement contre lui.

— Oh ! Nérée, quelle question !… Mais chaque jour je t’aime un peu plus que la veille, dix fois plus que le jour de notre mariage. — Et tu sais que c’est beaucoup dire ! Est-il besoin d’exprimer par des mots un tel sentiment ? Ta pensée m’habite et, serais-je à cent lieues de toi, que je continue de te sentir là, comme si tu me tenais par la main !…

Elle parlait d’une voix oppressée avec une sourde ardeur. À ce moment, Pomme vint saisir la jupe de sa mère. Alors, la jeune femme souleva l’enfant et, fébrilement, le couvrit de caresses. On eût dit qu’elle ne parvenait pas à se rassasier le cœur.

De loin, Mme Galliane regardait pensivement le groupe. La vieille maman était en grand souci au sujet de sa bru. La jeune femme avait des pâleurs inquiétantes et il était trop visible qu’elle dissimulait quelque peine morale ; probablement un douloureux secret concernant son père. Car enfin, pendant sa maladie et depuis sa guérison, le docteur Ellinor avait reçu son gendre, lui avait témoigné des attentions délicates et même affectueuses : pourquoi cette abstention de paraître au domaine, comme si l’entrée lui en eût été interdite ? Mme Galliane, sans en parler jamais, en avait le cœur ulcéré. Elle se disait : « Notre chère petite Blanche, âme exquise, doit nous cacher de grands crève-cœur. Elle craint de peiner ou d’offenser Nérée. Moi, je ne suis qu’une pauvre vieille qu’on croit devoir ménager… de sorte que la pauvre enfant se consume en silence. Impuissante, je ne sais