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YVETTE PROST

qu’elle n’avait jamais pu avaler… Diane n’était pas méchante. Elle se rendait en toute assurance ce témoignage ; mais elle avait la passion de la Justice — d’autant que la vie et les hommes s’étaient toujours montrés injustes à son égard. Et n’était-ce pas le meilleur d’elle-même qui s’insurgeait contre l’hypocrisie triomphante ? La haine du vice n’est-elle pas la marque d’une âme généreuse ?… Rétablir d’un geste la vérité, démasquer la plus honteuse imposture, ne serait-ce pas faire œuvre d’assainissement ?…

De sophisme en sophisme, elle en arrivait presque à se considérer comme le nécessaire instrument de la Justice immanente. Malheureusement, elle devait bien s’avouer que le moyen auquel il faudrait recourir était répugnant… Elle s’efforça de faire dévier sa pensée, d’imaginer son entrevue du lendemain avec la directrice d’Élégances… Par une pente inévitable, elle revit le tramway qu’elle prendrait, la route du Mourillon, la façade du médiocre hôtel et, en face d’une fenêtre ouverte, ce jeune homme et cette femme qui le tenait tendrement aux épaules avec le même geste d’amour qu’elle avait pour son mari.

Cette fois, la vision fut si nette que Diane bondit hors de son lit. Elle apporta sa machine à écrire dans la clarté de la lampe de chevet, « tapa » quatre lignes et, sur une enveloppe, l’adresse de Nérée Galliane.

Recouchée, elle éprouva une détente, l’apaisement des gestes accomplis. Elle espéra s’endormir. La pensée ne fonctionnait plus qu’au ralenti :

« Oui, le moyen employé est déplaisant… assez honteux ; mais c’est le seul possible. Et, s’il est ina-