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YVETTE PROST

Une femme à qui nous donnons l’hospitalité a été malmenée chez nous, et j’accepterais cela comme une plaisanterie innocente ? C’est ce que nous verrons !

Jamais les deux femmes n’avaient vu leur Nérée dans un tel état d’irritation. Il était furieux contre ses ouvriers, furieux contre Mme Horsel, qui s’avérait indésirable et tenace, furieux contre Blanche et son fou-rire, et même contre la vieille maman.

Il s’enferma dans son bureau pour y attendre, dans la solitude et le silence, l’apaisement de sa trépidation nerveuse. Pendant ce temps, les deux femmes s’allaient coucher. Et la tendre explication nécessaire entre les époux ne devait pas avoir lieu ce soir-là.

Le lendemain, de bonne heure, Mme Galliane, soucieuse, se dirigeait de son petit pas vers le haut du domaine : il fallait « raisonner » ces mauvaises têtes, éviter un éclat.

Carini avait un air sournois et buté qui en disait long ; Labarre avait l’air idiot ; Ramillien semblait hésitant. Enfin, il se décida :

— Madame, c’est moi qui ai fait le coup. Je vais parler au patron.

Il n’était pas très abordable, le patron, ce matin-là. Ramillien dut rassembler son courage des grands jours :

— Monsieur, dit-il, l’œil fixé sur ses espadrilles, je viens m’excuser des bêtises d’hier soir : c’est moi le coupable.

Galliane, incrédule, demanda d’un ton sec :

— Veuillez me dire exactement ce qui s’est passé.

— Monsieur, j’étais saoûl… (mensonge flagrant). J’arrosais les parterres ; la dame venait de mon côté ; il ne faisait plus très clair ; je ne l’ai pas reconnue,