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YVETTE PROST

bonheur. Elle en ressentait un tressaillement de joie. La personne de Nérée exerçait sur elle une attraction de plus en plus obsédante ; loin d’y vouloir résister, elle prenait plaisir à se jeter au-devant du péril.

Nérée, clairvoyant et bien armé, savait l’art de se dérober toujours, comme par hasard, sans rien voir, sans comprendre ; simple, courtois, infiniment respectueux, désespérant.

La conquérante, parfois, en avait des larmes de dépit. Énervée, désœuvrée, ne sachant sur qui éprouver son charme, elle traînait nonchalamment ses beaux pieds nus dans ses sandales du côté de la maison de Carini. Mais l’Italien demeurait invisible ; on n’entendait plus la mandoline ; et la figure revêche de Rita à la fenêtre n’ajoutait rien à l’agrément du paysage.

Un après-midi que Blanche était à Toulon, Mme Galliane revint sur le sujet qui la préoccupait :

— Mon petit, il faut te décider à soigner ta femme. Je te dis qu’elle ne va pas bien. L’équilibre nerveux d’une jeune femme, c’est quelquefois fragile. Blanche a été très affectée par la maladie de son père ; elle a tenu bon tant qu’il l’a fallu ; mais qui sait si ses nerfs ne subissent pas, maintenant, une sorte de choc en retour ? Le soir, elle est d’une pâleur inquiétante. Peut-être souffre-t-elle sans se plaindre, de peur de t’alarmer. À moins… à moins qu’il ne s’agisse d’un nouvel espoir de maternité ?

— Ce serait trop beau !… murmura tristement Nérée.

Les remarques de sa mère ne faisaient que confirmer les siennes. Il en était si préoccupé que, sans attendre, il sortit sa voiture du garage. Il irait à Toulon,