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YVETTE PROST

nale, s’éloignait précipitamment par l’avenue des palmiers ? Une femme vêtue d’un manteau clair… Madame Nérée ? Impossible. Alors ?… Eh oui ! c’était l’autre !

Pris soudain de frénésie, l’Italien dévala la côte à longues enjambées et déboucha bientôt en courant sur la route d’Hyères. Mais la dame courait presque, elle aussi. Au moment où l’homme essoufflé retrouvait la silhouette en manteau clair, elle s’engageait dans un pré, se dirigeait sans hésiter vers une tente de toile où elle disparut.

Carini savait que, sous la tente, campait depuis deux jours un superbe jeune homme. Il l’avait vu errer avec un enfant autour du domaine… Il demeura une minute béant, planté comme un cyprès au bord de la route. Enfin, faisant volte-face, il regagna sa maison en marmottant d’une lèvre tremblante la litanie de toutes les injures que lui pouvaient fournir les deux langues qu’il parlait approximativement.

Toute la journée, la pauvre Rita demanda à la Bonne Mère sur quelle herbe avait pu marcher son brigand de Carini. Allait-il massacrer toute la maison parce que Rouan toussait ?…

Nérée s’éveilla tard. Lorsqu’il descendit à la salle à manger, Blanche avait déjeuné ; mais elle resta auprès de lui à le servir avec tendresse.

— Je suis montée te voir il y a une demi-heure, dit-elle : tu dormais comme notre Pomme ! J’ai caressé tes cheveux, tu ne l’as pas senti.

— À chacun son tour de perdre ses politesses ! fit-il en souriant : cette nuit, tu t’es sereinement endormie au moment le plus palpitant de mes discours.