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les sourds-muets, et les moyens par lesquels on donne à leurs doigts un langage que leurs lèvres sont impuissantes à traduire, la confirment d’une manière incontestable. Selon la Genèse, Dieu créa l’homme et lui parla, c’est-à dire lui donna, avec la vie, l’usage complet de ses facultés intellectuelles, une connaissance complète de toutes choses, et le langage par lequel se manifeste surtout, en lui, la supériorité sur le reste de la création. Le problème est résolu ; et tout le reste s’explique, dès que cette donnée, basée sur le plus vénérable et le plus authentique des livres, est acceptée. Mais si l’on veut une autre explication pour la création de l’homme, il faut aussi formuler un autre système pour la formation du langage. Il peut sans doute entrer dans la tête d’un fou de substituer la matière à Dieu, et de lui donner, pour la rendre active et féconde, une force qui n’est après tout qu’un changement de nom ; car ces philosophes superbes que Dieu embarrasse, ne peuvent pas parvenir à faire taire complètement la vérité qui les obsède et les pénètre de tout côté. Ils voudraient pouvoir se passer d’un principe, et ils l’acceptent et le posent sous un autre nom. Aussi, prennent-ils la matière pour lui donner la force créatrice, la puissance initiale à laquelle il faut bien arriver, quelque envie que l’on ait de s’en passer. D’après ce système extrême, auquel des opinions moins exagérées se soudent par quelque côté, l’homme créé avec toutes ses facultés, ou les conquérant successivement par la propre force de sa nature, doit aussi créer le langage. Il paraît bien un peu difficile de faire sortir des lèvres humaines le langage tout formé, comme la fable faisait sortir Minerve, tout armée du cerveau de Jupiter ; mais on ne s’arrête pas pour si peu de chose, et l’on tourne la difficulté en disant que les hommes se sont entendus pour désigner chaque chose par un nom, lier ces noms entre eux, les unir par des verbes à des qualités, les compléter par des idées accessoires, et former cet ensemble admirable dont les éléments décomposés semblent porter le sceau d’une action divine.