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christianisme, des peuples qui n’eussent pas de littérature, tandis que, sous l’action directe de la vérité religieuse, tout peuple devait nécessairement manifester sa vie intime par un ensemble d’œuvres accessibles à une grande partie de la nation, nées du même principe, dirigées vers le même but, assujetties à des règles formulées de manière à constituer un tout régulier, à former un art. L’art considéré en lui-même, c’est-à-dire, comme réunion de lois dominant une des applications du génie humain, ne se produit que lorsqu’il y a un certain nombre d’œuvres différentes de mérite, de caractère, de nature et de forme, capables de venir à chaque instant, comme preuve vivante de ce que les préceptes établissent, et de ce que les aspirations de la société réclament comme satisfaction, ou exigent impérieusement comme besoin. C’est dans ce sens que M. Nisardapudire : « Il y a une littérature le jour où il y a un art ; et avec l’art, cesse la littérature. »

Ce témoignage, qui n’est pas sans valeur, peut servir à déterminer, d’une manière positive, le sens que nous avons attaché à ce mot littérature. Il justifie l’emploi qui en a été fait, et semble donner à la question elle-même toute sa portée. S’il n’y a de littérature chez un peuple, qu’à l’époque où il y a un art, c’est-à-dire un ensemble nettement défini, formellement accepté de préceptes, tendant au même but, il est évident que la littérature peut ne pas naître dans une nation, qu’elle peut y disparaître ou subitement, ou par une longue et lente décomposition.

Ce premier point établi, il ne reste plus qu’à rechercher et à étudier les raisons pour lesquelles une époque et un peuple sont plus riches et plus favorisés que d’autres.

L’étude de l’histoire depuis la chute de l’empire romain d’Occident, nous permet de constater que, dans le long ou rapide développement des peuples modernes, la littérature apparaît toujours et partout, non pas sans doute avec la même supériorité, avec les mêmes ressources,