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déparent cette traduction qu’un peu de travail aurait rendu pleinement satisfaisante. On sait tout ce que l’étude de l’antiquité donne à la composition de force, de souplesse, de gravité et d’éclat. Elle est pour l’esprit une gymnastique d’où il se dégage plus vif, plus alerte, plus pénétrant et plus nerveux. Aussi, le style en porte toujours l’empreinte, et en reçoit un caractère particulier qui lui donne une netteté précise, et une ampleur élégante que l’on demanderait vainement à un exercice moins fréquent, et à des modèles moins parfaits.

Le style et la facture des vers de M. Crespon, accusent une étude approfondie de la langue latine. Il en a transporté avec bonheur plusieurs tournures dans sa traduction. Il s’est inspiré de son esprit, il s’est retrempé dans cette énergie qui reparait toujours à Rome, même sous les dehors les plus gracieux, et les apparences les plus molles. Il a fait preuve de goût, en repoussant les équivalents : il n’a pas voulu d’à peu près, et il a eu raison ; car l’à peu près est l’exactitude des esprits sans netteté, dont la pensée est toujours incomplète ou indécise, et à qui la langue n’obéit jamais docilement.

Cette traduction qu’il est si regrettable de voir inachevée, révèle des qualités précieuses, témoigne d’une intelligence vive de la langue latine, donne la mesure d’un esprit aimant le vrai, sensible au beau, capable de reproduire dans un langage qui se plie à toutes les exigences de la pensée, à toutes les variétés du sentiment, les inspirations poétiques les plus délicates et les plus profondément empreintes de ce charme auquel on ne résiste pas, malgré tous les changements que les siècles écoulés ont apportés dans la religion, les lois, les mœurs et dans cet ensemble de tendances et de faits que l’on appelle la civilisation.