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accomplissent une grande mission. Ces hommes se parant du titre de philosophes ont fait consister la philosophie dans l’art de rendre douteuses et problématiques les vérités les plus incontestables et les plus nécessaires aux individus et à la société. J.-J. Rousseau, qui n’a pas fait moins de mal qu’eux, mais qui a eu des accès d’une franchise précieuse, les a très-bien dépeints en disant d’eux : « Je les trouve tous fiers, affirmatifs, dogmatiques, même dans leur scepticisme prétendu, n’ignorant rien, ne prouvant rien… Ils ne s’accordent que pour disputer. Si vous pesez leurs raisons, ils n’en ont que pour détruire. »

Le scepticisme est un état contre nature. Il y a dans l’homme un désir incroyable de connaître la vérité ; et si notre intelligence bornée comme toutes nos facultés, ne peut, par ses forces naturelles, parvenir à découvrir toutes les vérités, elle peut au moins, et elle doit s’appliquer à connaître celles qui répondent le plus à ses besoins et qui sont à sa portée. Nier le pouvoir qu’a l’homme de parvenir avec toute certitude à la connaissance de ces vérités, c’est nier sa nature d’être intelligent.

Il ne faut donc pas confondre la vraie philosophie avec cet art de tout rendre douteux à l’aide d’un sophisme assaisonné d’une raillerie.

L’homme n’a point reçu ce don de l’intelligence et de la raison pour vivre dans l’ignorance et dans le doute, mais pour connaître les vérités qui lui sont nécessaires.

Plusieurs de ces vérités sont des axiomes aussi clairs que l’est à nos yeux la lumière du soleil.

Il y a des vérités morales qui ne sont pas moins évidentes que les vérités mathématiques. Tous les arguments qu’ont ramassés certains prétendus esprits-forts, pour prouver qu’il n’y a point de différence essentielle entre le bien et le mal, n’empêcheront point tout homme honnête et sensé d’être persuadé que l’enfant qui soigne son vieux père fait une action bonne et louable, et que