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extrême sobriété de lignes, que caractérise si bien le biseau ou le chanfrein.

De plus, s’il est exact que le collège des Bernardins a été fondé au XIIIe siècle, à l’usage seul de l’abbaye de Clairvaux, qui y envoyait ses religieux conquérir leurs grades universitaires, il n’est pas moins bien établi que la reconstruction de ce monastère (église et couvent) fut effectuée un siècle plus tard, grâce aux libéralités d’un de ses anciens professeurs, parvenu au sommet des dignités de l’église, le pape Benoit XII ; reconstruction qui, on le sait également, fut la conséquence de la cession que, en 1320, l’abbaye de Clairvaux, pour se libérer de ses dettes, dut faire de ce collège à sa maison mère, c’est-à-dire au chapitre général et à tout l’ordre de Citeaux en commun. Si bien que, destiné à recevoir désormais des élèves de toutes les abbayes de l’ordre cistercien, le collège des Bernardins prit, dès lors, une importance qui.n’était plus en rapport avec la modeste étendue de ses anciens locaux. Il lui fallait donc de nouveaux bâtiments, beaucoup plus vastes, ainsi qu’une église pour remplacer la chapelle primitive qui déjà tombait en ruines ; c’est ce qu’avait, du reste, si bien compris le pape Benoit XII, lorsqu’il entreprît la reconstruction de l’église et maison conventuelle des Bernardins, en 1338 [1].

Mais, en dépit des témoignages accrédités de nos anciens historiens, M. Selmersheim croit pouvoir maintenir que, en ce qui concerne les murs extérieurs du réfectoire, la datation à adopter ne doit viser tout au plus que le milieu du xme siècle, alors qu’il veut bien nous accorder que les colonnes et les chapiteaux de l’intérieur pourraient bien être du xive, tandis que, chose bizarre, les voûtes supportées par ces colonnes seraient encore, à son très docte avis, du XIIIe ! Dans ce cas, c’est une autre affaire, le réfectoire des Bernardins n’aurait été que restauré, sinon transformé au XIVe siècle.

Il serait pourtant bien surprenant que, dès le xnie siècle, les Bernardins fussent déjà en jouissance d’un bâtiment d’une semblable importance, alors que nous venons de voir le

pape Benoit XII, pour raison d’insuffisance et de vétusté, réédifier « église et maison collégiale », c’est-à-dire le monastère en entier, cent ans après. À mon sens, il devient donc de moins en moins probable que le réfectoire en question n’ait pas été reconstruit en même temps que l’église ; et c’est certainement la raison qui fait que les historiens et les archéologues qui nous ont précédés, n’ont pas porté leur attention sur cette hypothèse ; aussi, jusques à preuve authentique du contraire, je crois pouvoir déclarer qu’il serait peut-être très imprudent de prononcer condamnation sur leurs assertions.

En conséquence, il devient également évident que la question avait besoin d’être soulevée, et qu’elle ne peut être définitivement élucidée et tranchée que par la mise au jour ultérieure de documents plus précis et plus probants que les plus subtiles dissertations sur la valeur chronologique de tel ou tel procédé architectonique. Puisse ce desideratum accompli justifier les présentes réserves et servir d’excuse à la hardiesse de ma critique.

M. le Président pense être l’interprète de la Commission tout entière pour remercier M. Selmersheim de son très savant rapport, dont il soumet les conclusions au vote de l’Assemblée.

Les conclusions sont adoptées à l’unanimité.

3. — Présentation des nouveaux membres élus par le Conseil municipal.

M. le Président annonce que le Conseil municipal a désigné pour faire partie de la Commission du Vieux Paris MM. César Caire, Duval-Arnould, Henri Galli, Dausset. Il pense être l’interprète de la Commission en souhaitant la bienvenue aux quatre nouveaux membres.

M. Dausset, présent à la séance, est désigné pour faire partie de la 1re  Sous-commission (Inventaire).

Il est entendu que les trois autres membres seront affectés aux Commissions spéciales à la prochaine séance.

M. le Président ajoute que, d’ailleurs, suivant la tradition, les membres de la Commission peuvent faire partie de plusieurs Souscommissions ou passer d’une Commission dans une autre.

  1. G. Corrozet, Les Antiquités de Paris, édition de 1561, p. 116 ; — J. Dubreul, Le théâtre des Antiquités de Paris, édition de 1612, p. 627 ; — Dubois, Historia Ecclesiæ Parisiensis, t. II, p. 665 ; — Félibien, Histoire de la ville de Paris, 1.1, p. 309 et suiv. ; — L’abbé Daniel, Notice sur lesbruines et le collège des Bernardins de Paris, p. 8 et 70.