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travail de ferronnerie, qui par son dessin et son développement aurait parfaitement été digne de décorer la façade de François d’Orbay, n’en présente pas moins un intérêt certain au point de vue de la forme et de la composition et, avant de se séparer, la délégation a décidé d’en demander une reproduction pour les cartons du musée Carnavalet.

Paris, le 29 mai 1899.

Lucien Lambeau. »

M. Charles Sellier dit que, à son avis, on no saurait considérer la façade actuelle du n° 14 do la rue de l’Ancienne-Comédie comme étant celle de la salle du théâtre qui fut édifié en 1688 par l’architecte François d’Orbay, à la place de l’ancien jeu de paume de l’Étoile ; on pourrait même supposer qu’elle n’en occupe plus l’emplacement primitif, par suite d’une rectification de l’alignement des maisons de ce côté de la rue, projetée lors de l’aliénation de l’ancien hôtel de Condé effectuée, en 1773, en vue de la construction du nouveau théâtre de la Comédie-Française (aujourd’hui l’Odéon) et la percée des rues y aboutissant. Un plan gravé de cette transformation projetée du quartier, datant de ce temps, existe dans les cartons de la Bibliothèque historique de la ville de Paris. Mais, comme il ne semble pas qu’il ait été donné suite à ce projet, on est en droit de repousser la supposition de changement d’alignement, qui pourrait être invoquée dans cette circonstance.

Quoi qu’il en soit, rien n’empêche encore d’insister sur cette assertion que la façade actuelle du n° 11 de la rue de l’Ancienne-Comédie a subi une transformation si complète qu’elle n’est vraiment plus celle qui fut érigée il y a deux siècles ; par son style, si vraiment il lui en reste un, on voit qu’elle date de la fin du xviiie siècle : ses balcons, du reste, en témoignent suffisamment. De plus, si l’on veut consulter un moment le dessin de la façade de d’Orbay, reproduit par Blondel dans son Architecture française (tome II, planche 163), on s’aperçoit que, indépendamment de l’addition d’un étage d’attique hors de proportion, les baies des fenêtres ne présentent plus aujourd’hui leur ancienne disposition, et que, depuis longtemps, la travée médiane a perdu sa saillie d’avant-corps avec ses deux montants de refends et de bossages. Du fronton également disparu il ne reste plus, il est vrai, que la Minerve en demi-relief qui en animait jadis le tympan. Mais où est l’entablement primitif qui accompagnait ce fronton ? Que sont aussi

devenus et le superbe cartouche armorié aux trois fleurs de lys et la magnifique inscription en lettres d’or qui meublaient le trumeau central ? Disparu aussi, le grand et beau balcon signalé par Piganiol de La Force : la légende prétend qu’il a traversé la rue pour s’accrocher au-dessus de la devanture du fameux cafetier Procope ; mais, n’en déplaise à la légende, il a dû se fixer ou échouer autre part. D’ailleurs, le balcon qu’on voit encore au-dessus de l’illustre café, semble trop bien être de la maison où il est suspendu ; il s’harmonise trop bien avec les balconnets des fenêtres de celle-ci pour être un instant soupçonné d’avoir appartenu à la maison d’en face, pour laquelle il eût été certainement un tantinet trop long.

On peut donc inférer de toutes ces considérations que la façade en question a été purement et simplement réédifiée à la place de l’ancienne, au gré de la destination nouvelle des bâtiments qu’avaient abandonnés les comédiens du Roi en 1770. Ces bâtiments menaçaient tellement ruine que c’est, en effet, la principale raison pour laquelle ils furent désaffectés de leur premier usage, et que les acteurs de la Comédie-Française durent les évacuer et s’en aller, munis d’une permission royale, s’installer provisoirement dans la Salle des machines des Tuileries, où ils restèrent douze années, c’est-à-dire tout le temps qu’on mit à censtruire leur nouveau théâtre. Cette cause de l’abandon de l’ancienne Comédie est, du reste, attestée par des lettres patentes du 30 juillet 1773, où il est avant tout spécifié que » l’hôtel dans lequel nos comédiens françois donnoient leurs représentations était devenu dans un tel état de caducité qu’il n’étoit plus possible de les y continuer ».

Aussi, n’y a-t-il rien d’étonnant qu’à des murs qui tombaient en ruines on en ait substitué de nouveaux, plus solides cette fois, quoique remarquablement plats et nus. On ne peut donc regarder ces derniers comme ayant été les véritables témoins de nos fastes dramatiques aux temps de Louis XIV et de Louis XV, ni les prendre davantage pour des reliques précieuses d’authenticité, dignes d’être qualifiées du titre de monument historique.

M. Lucien Lambeau ajoute, en ce qui concerne le balcon, qu’il croit avoir suffisamment fait remarquer avec quelle circonspection il fallait accueillir la version de sa réinstallation au café Procope.

M. Gosselin-Lenôtre dit qu’il serait facile de se rendre compte si la façade actuelle est bien celle du xviie siècle, en consultant,