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Louis XVI, située rue Saint-Jacques, 21, avec bandeaux de fenêtres de belle allure.

Au fond de la cour, à droite, très curieux escalier en fer forgé d’une pureté et d’une légèreté de lignes très remarquables.

À l’étage supérieur, les balustres en bois de l’escalier d’origine subsistent encore.

Enfin, le bâtiment du milieu est occupé au rez-de-chaussée par le « Château Rouge », cabaret qui a hérité de la renommée de certains débits de boissons de l’ancienne Cité.

Rue Saint-Julien-le-Pauvre, 14. — Ancien hôtel de la première moitié du 17e siècle, que Tondit avoir été la résidence du lieutenant de police du petit Châtelet.

L’on remarque d’abord la porte monumentale surmontée d’un fronton dans lequel est représentée la Justice. L’escalier en fer forgé est intéressant par le départ et l’enclosure de la rampe.

Les volets à petits compartiments, le profil des moulures ainsi que la saillie très prononcée du soubassement des fenêtres, marquent bien l’époque de la construction de cet hôtel, qui possède aussi quelques fenêtres anciennes.

M. Charles Lucas dit que les balustres qui existent rue Galande, et qui vont disparaître par la démolition, datent de Louis XIII et de la minorité de Louis XIV ; ce sont des spécimens intéressants du travail du bois. Si l’on pouvait s’en procurer quelques-uns, l’on formerait le noyau d’une collection des types de balustres sur laquelle l’on pourrait attirer l’attention des personnes qui enseignent le dessin. Les écoles professionnelles spéciales trouveraient aussi là de précieux documents de l’art purement français de l’habitation au 17e siècle, supérieurs à tous égards aux médiocres types italiens que répètent, depuis deux siècles, les ouvrages dits le Vignole des constructeurs.

Ces modèles ont répondu aux sentiments et à l’âme de nos pères, lorsqu’ils construisaient leurs demeures ; ils sont d’un art exclusivement français, qui les rend plus précieux.

Il en est de même de la rampe en fer du 57 de la rue Galande, inutilisable après son démontage, mais dont le dessin serait profitable à l’enseignement.

Ces divers objets n’auront aucune valeur dans la démolition ; il serait facile d’en faire l’acquisition.

M. Bruman dit que cette communication sera adressée à la Commission des écoles, qui pourra s’intéresser à la suite à donner.

M. le Président donne connaissance de l’extrait du procès-verbal de la réunion tenue le 8 mars 1898 par la Société des amis des monuments parisiens et relatif à la conservation de l’hôtel de Lauzun.

Ce procès-verbal est ainsi conçu :

« Extrait du procès-verbal de la réunion du 8 mars 1898. Société des amis des monuments parisiens.

Cet hôtel élevé entre 1650 et 1660, habité successivement par Lauzun, la famille Pimadan, Roger de Beauvoir et en dernier lieu par le baron Pichon, présente à l’intérieur un ensemble admirable d’ornementation telle qu’elle était en faveur au commencement du règne de Louis XIV. C’est un spécimen unique en ce genre de la décoration des appartements de grand luxe vers cette époque ; donc l’intérêt est considérable de cet hôtel et la Société des amis des monuments parisiens se devait d’appeler, sur un édifice aussi remarquable, les sympathies effectives et la sauvegarde que pleinement il mérite.

Signé : Juglar, membre de l’Institut, président ; Normand, membre de l’Institut ; Hoffbauer, Auge de Lassus, Ch. Sellier, Le Baron, Arthur Rhône, André Laugier. »

M. Auge de Lassus pense que la Ville de Paris ne peut pas se désintéresser de la question de l’hôtel de Lauzun, aussi bien en raison de son caractère artistique que des souvenirs littéraires qu’il invoque. Il a en effet été habité par Théophile Gautier, Baudelaire, Roger de Beauvoir.

Il représente une valeur architectonique bien définie. L’extérieur, il est vrai, n’est pas d’un intérêt de beaucoup supérieur à ceux des autres hôtels du 17e siècle, mais l’intérieur, qui date de 1650 à 1660, offre un ensemble de décoration artistique absolument, beau et complet et d’une magnificence extraordinaire.

Il est bien supérieur à l’hôtel Lambert, dont les peintures ont été dispersées.

Au point de vue artistique cet hôtel, ajoute M. Auge de Lassus, représente une valeur d’art considérable, il renferme un ensemble fastueux de décorations dans le style de Louis XIII et de Louis XIV qui est absolument unique et que l’on chercherait vainement ailleurs.

Il ne craint pas d’affirmer qu’il n’y a rien de pareil en France.