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Cette proposition est adoptée, et M. Brown, inspecteur des Beaux-arts de la Ville de Paris, est prié de faire le nécessaire.


Visite des pierres sculptées provenant des restaurations de l’église Notre-Dame.


M. le Président dit qu’à la suite d’une visite faite par la lre Sous-commission dans le jardin situé derrière l’abside de Notre-Dame et contenant des fragments de sculpture intéressants ainsi que des vestiges très parisiens, M. Charles Lucas a rédigé le rapport suivant:

« Le mercredi 30 mars 1898, une Commission spéciale, composée de MM. Alfred Lamouroux, vice-président de la Commission plénière; Jules périn et Charles Lucas, vice-présidents des lre et 2e Sous-commissions ; Georges Cain, secrétaire de la 3e Sous-commission, conservateur des collections historiques de la Ville de Paris; Lambeau, Ch. Sellier et Tesson, secrétaires de la Commission plénière, a examiné, sous la conduite de M. Selmersheim, inspecteur général des Monuments historiques, architecte de la cathédrale Notre-Dame de Paris, les nombreux fragments d’architecture et de sculpture conservés dans le jardin entourant l’abside de cette église.

Ces fragments proviennent tous de différentes parties de l’ancienne basilique et n’ont pu, à cause de leur état de mutilation ou de dégradation partielle, être conservés ou remis en leur place primitive lors du grand travail de complète restauration qu’a dirigé, notamment de 1850 à 1875, l’éminent architecte Viollet-le-Duc.

En revanche, ce maître es œuvres a tenu à garder ces fragments au pied même de l’abside de la basilique afin de les faire servir de témoins irréfutables de la scrupuleuse conscience qui l’a guidé dans les travaux de restauration de Notre-Dame, et c’est pourquoi, jusqu’à présent, quinze seulement de ces fragments ont été, sur la demande de la direction des Beaux-arts, distraits de l’ensemble pour entrer dans les salles du moyen âge du département de la Sculpture française au musée national du Louvre.

Cependant, malgré leur état de détérioration, tous ces morceaux d’architecture et de sculpture, dont quelques-uns datent du 11e siècle et proviennent de l’ancienne église Saint-Étienne, tandis que la plupart, datant seulement des 12e et 13e siècles, proviennent de la basilique actuelle, présentent, outre leur grand intérêt au point de vue du développement de l’art en France pendant la plus belle période du moyen âge, un intérêt non moins considérable, primordial même, au point de vue de l’histoire de Paris.

C’est ainsi que des inscriptions, des bas-reliefs et des ornements de corniche s’y rencontrent avec de puissants motifs d’architecture, gargouilles et couronnements de pinacles ou de dais ; mais un certain nombre de ces fragments d’architecture et de sculpture semblent, par leur analogie, offrir ce que l’on peut appeler des doubles et, comme tels, ne paraissent pas tous indispensables à la justification des admirables travaux de restauration qui font la gloire de Viollet-le-Duc.

Dans ces circonstances, la Commission spéciale a pensé qu’il appartenait à M. le Préfet de la Seine, président de la Commission plénière du Vieux Paris qu’il a créée, d’adresser une demande à M. le Ministre compétent[1] pour obtenir de la direction des Cultes qu’un certain nombre de ces fragments d’architecture et de sculpture, choisis autant que possible de façon à représenter toutes les époques différentes de transformation de Notre Dame, et provenant surtout des motifs en plusieurs exemplaires, soient — après un nouvel examen fait de concert entre MM. Selmersheim et Georges Cain — distraits de leur place actuelle et transportés au musée Carnavalet, sous les portiques encadrant le jardin de ce musée.

Là, ces témoins de l’école d’art vraiment nationale de l’Ile-de-France et ces inscriptions essentiellement parisiennes prendraient place à côté d’œuvres de même genre, entre des monuments de l’époque romaine et des monuments de la Renaissance, tous provenant également d’anciens édifices ayant fait la splendeur de Paris aux diverses époques de son histoire.

La Commission a pensé de plus que si, comme elle n’en veut pas douter, M. le Préfet peut obtenir du Gouvernement la cession d’un certain nombre de ces précieux morceaux artistiques, les remarquables parties d’ornementation architecturale qui s’y rencontrent pourraient être signalées au service de l’enseignement du dessin dans les écoles de la Ville et du Département afin que des moulages en soient pris et viennent augmenter la collection encore peu nombreuse des modèles d’ornementation du moyen âge mis sous les yeux des élèves de ces écoles.

Paris, 3 avril 1898.

Signé : Charles Lucas. »

  1. M. le Ministre de la Justice et des Cultes (Direction des Cultes), 66, rue de Bellechasse.