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giène, de la circulation et des nécessités du progrès, et d’en fixer des images authentiques ; en un mot, de tenir les Parisiens, par l’intermédiaire de leurs élus, au courant de toutes les découvertes intéressant l’histoire de Paris et son aspect pittoresque.

L’utilité d’une pareille commission ne peut faire aucun doute.

S’il existe, en effet, une Commission dite des monuments historiques, celle-ci, obligée de s’occuper de la France entière, n’a jamais lutté sérieusement pour la conservation des monuments parisiens ; l’histoire de leur démolition et le rôle qu’y joua cette Commission seraient parfois singulièrement suggestifs.

Il n’en eût pas été de même si la municipalité parisienne avait possédé une Commission du vieux Paris.

Or, les vestiges du temps passé disparaissent peu à peu, effrités par les intempéries des saisons, ou brutalement détruits par le vandalisme des démolisseurs et souvent sans qu’il en reste une trace.

On n’apprend même parfois leur disparition que lorsqu’il n’est plus temps d’aviser. Que de documents ainsi perdus pour l’histoire ! que de merveilles d’art dispersées ou menacées ! que de souvenirs de gloire voués à un éternel oubli !

Permettez-moi de citer quelques exemples qui vous montreront que le moment est venu, pour le Conseil municipal, de se préoccuper d’un état de choses qui réclame toute sa sollicitude.

Rappelez-vous cette campagne mémorable que Victor Hugo commença dès 1833 contre un ministre de Louis-Philippe, l’inoubliable d’Argout, qui pensait à détruire Saint-Germain l’Auxerrois, pour faire passer sur son emplacement une « grande, grande, grande rue ».

Qu’aurait dit notre grand poète qui menaçait alors, dans « la Revue des Deux Mondes », « de châtier sans pitié en le dénonçant en face et en l’appelant par son nom tout démolisseur quel qu’il fût, propriétaire, maire, ministre ou roi », lorsqu’il aurait appris que l’administration de la Ville de Paris avait pu, sans délibération du Conseil, faire enlever, en 1875, de la place Dauphine, la statue du général Desaix, une des gloires les plus pures de notre grande Révolution, pour la reléguer au dépôt municipal, où elle attend toujours, dans un état qui exige une sérieuse réparation, une place au soleil de la grande ville, que vous ne lui refuserez certes pas plus longtemps ?

Mais ce n’est pas tout. L’année dernière, on a démoli sans protestation et sans nécessité la partie de l’enceinte de Philippe-Auguste qui se voyait dans la rue Clovis et qui constituait un point de repère aussi précieux pour les archéologues que la mire de l’Observatoire pour les savants.

À ce propos, nous devons manifester notre étonnement de voir nos plans de Paris ne faire aucune mention des parties encore existantes de cette enceinte. Verniquet, dans son célèbre travail, qui est un guide précieux pour tous les travailleurs, n’avait pas manqué de la faire figurer, et nous pensons qu’il suffira de signaler cette lacune pour qu’elle soit comblée dans la prochaine édition de l’atlas municipal.

Messieurs, nous ne voudrions pas abuser de votre bienveillante attention, mais nous croyons devoir signaler encore le sans-gêne avec lequel certains architectes, chargés de la construction de monuments publics, ont pu passer sous silence les découvertes qu’ils ont faites, et omettre d’en avertir les services compétents de la Ville.

Nous ne parlerons pas du peu de surveillance qui s’exerce dans les fouilles, permettant souvent la dispersion des objets qu’on y a trouvés.

Enfin, pour nous borner à un dernier exemple, emprunté au domaine particulier, n’avons-nous pas vu au mois de juillet de cette année disparaître, sans que la Ville en conservât ni une photographie, ni un moulage, ni un souvenir quelconque, un hôtel du XVIIe siècle, l’hôtel d’Anglade, 66, rue des Archives, hôtel bâti par de Cotte, élève de Mansart, orné de sculptures de Coysevox dans ses mascarons et ses consoles ?

Il y avait trois plafonds de Delafosse, élève de Lebrun.

On a vendu ces plafonds 25,000 francs et les sculptures 1,500 à 2,000 francs. Or, l’hôtel construit pour le Juge, fermier général sous Louis XIV, était en parfait état ; et savez-vous ce que l’on va mettre à sa place ? De grands magasins pour approvisionner des bazars !

Un mot maintenant, Messieurs, si vous voulez, sur la composition de la commission que nous réclamons. Nous croyons qu’elle devra comprendre des conseillers municipaux, élus par leurs collègues, des chefs de service